D’où vient le mot « Lucifer » et qui est-il dans la Bible ?

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Le terme "Lucifer" est couramment employé pour désigner le diable, mais d'où vient-il ? Pourquoi peintures et sculptures représentent-elles Lucifer comme un ange ? Quelle est l'étymologie du mot "Lucifer" ? Quel rapport avec le Christ ?

05 minutes et 26 secondes avec Lomepal, Alexandre Cabanel, Lucifer et un peu de latin
Dernière mise à jour -  
5/3/2024

Quand Lomepal est comparé à Lucifer

Dans son titre Trop Beau, le rappeur Lomepal raconte son angoisse face à la femme qu’il a aimée qui est devenue son ennemie. Il souligne leur antagonisme en disant : « Tu m’as même comparé à Lucifer », laissant entendre par là que cette femme le considère désormais comme un diable.

Le terme « Lucifer » est en effet rentré dans la culture commune et désigne le nom du premier diable. Une série Netflix mettant en scène un personnage diabolique a ainsi vu le jour et s’appelle Lucifer.

Mais quelle est l’origine de ce mot biblique ? Qu’en disent les récits bibliques ? Lucifer est-il le diable ? Ce n’est-ce peut-être pas si exact !

Le texte biblique à l’origine du mot Lucifer

Ce texte biblique évoque la chute de Lucifer, l'ange rebelle qui se révolte contre Dieu.

Comment es-tu tombé du ciel, lucifer, qui te levais le matin écroulé par terre, toi qui blessait des nations ?

Toi qui disais en ton cœur :

— Je monterai dans les cieux, au-dessus des étoiles de Dieu, j’élèverai mon trône, je m’assiérai sur la montagne de l’alliance dans les profondeurs du septentrion. Je monterai sur les sommets des nuées, je serai semblable au Très-Haut !

Et te voilà descendu au shéol dans les profondeurs de l'abîme.

Livre d’Isaïe, chapitre 14, versets 12 à 15. Traduit du latin de la Vulgate par les équipes de notre programme de recherches La Bible En Ses Traditions.

L'origine et la signification du mot « Lucifer » dans la Bible

Guillaume Geefs, Le Génie du Mal ; 1848, statue en marbre de Lucifer, cathédrale Saint-Paul de Liège, Belgique. Domaine public.

Aujourd’hui on parle de Lucifer.

En fait, Jef, un des très fidèles lecteurs de notre newsletter, nous a envoyé un mail il y a quelques temps, étonné de retrouver le terme « Lucifer » dans l’Exultet, chant liturgique… entonné lors de la fête de Pâques et la Résurrection du Christ !

On est d’accord avec Jef : c’est surprenant, et ça mérite un petite explication !

Petit passage par l'étymologie : que signifie le mot « Lucifer » ?

Le mot lucifer réunit deux mots latins :

  • « lux » qui signifie la lumière
  • et « ferre » qu’on traduit par porter

Lucifer signifie donc littéralement porte-lumière.

Mais dans la culture occidentale, Lucifer est d'abord connu comme étant l’un des différents noms attribués au diable / tentateur / satan.

En fait, Lucifer désigne un ancien ange, le plus beau, qui portait la lumière, puis qui s’est révolté. Mais ce n’est que secondairement qu’il devient le nom diable.
Tertullien, éminent théologien de Carthage en Tunisie au IIème siècle, parle de Lucifer en tant que « le plus sage de tous les anges avant d'être le diable ». (Adversus Marcionem, II, 10)

Alexandre Cabanel (1823–1889), L’ange déchu (1847, huile sur toile), Musée Fabre, Montpellier, France. Domaine public.

Lucifer : histoire d'un ange déchu

Dans les récits bibliques, Lucifer est un des serviteurs privilégiés de Dieu, qui a voulu occuper une place égale à celle du Créateur, et qui a été précipité dans l’abîme, avec ses troupes, par les anges fidèles. Progressivement, la pensée chrétienne l’a assimilé à Satan, et a compris ses compagnons comme les démons qui règnent sur les Enfers.

  • Dans le Livre d’Isaïe

Le récit du Livre d’Isaïe (Is 14, 12-15) décrit en effet la chute d’un personnage « étoile du matin, fils de l’aurore », qui s’était promis d’escalader les cieux pour élever son propre trône au-dessus des étoiles de Dieu, monter au sommet des nuages, et se rendre l’égal du Dieu Très-Haut, mais il est tombé du ciel, précipité dans les profondeurs de l’abîme.

  • Dans le Livre d’Ezékiel

Dans une autre source biblique, au Livre d’Ezéchiel (Ez 28, 12-19), il est également question d’un ange puissant, modèle de perfection, chérubin étincelant, à la conduite exemplaire. Mais, de la même manière, il a basculé dans l’orgueil et la violence à cause de sa propre beauté. C’est cet ange déchu qui est devenu la figure de Lucifer dans les représentations chrétiennes courantes.

À la suite d’autres écrits apocryphes, qui ne sont pas intégrés dans le canon chrétien mais continuent à être lus, les Pères de l’Eglise puis les auteurs médiévaux ont fait une synthèse progressive de ces traditions, mettant l’orgueil au cœur des péchés de Lucifer et des autres anges rebelles, à partir de ces passages d’Isaïe et d’Ezéchiel.

Franz von Stuck (1863-1928), Lucifer (1890, huile sur toile, 152 × 161 cm); Galerie Nationale de Sofia, Bulgarie. Domaine public.

Un mot latin pour désigner le Christ

Mais le terme « lucifer » n’est pas uniquement utilisée pour évoquer le diable, d’où l’incompréhension de Jef.

En effet, le mot « Lucifer » est employé pour parler du Christ dans le deuxième épître de saint Pierre (2 P 1,19), dans sa version latine.

« Ainsi nous tenons plus ferme la parole prophétique : vous faites bien de la regarder, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin [lucifer dans le texte latin] se lève dans vos cœurs ».

Le mot lucifer est ici traduit par « l'astre du matin », désignant la lueur du jour nouveau. Or, précisément, cette appellation de « l’astre du matin » correspond aussi et d’abord à l’image du Christ ressuscité.

Matthias Grünewald (1480-1528), La Résurrection, détail du retable d’Issenheim (vers 1515), Musée d’Unterlinden, Colmar, France. Domaine public.

« Lucifer » est un mot également utilisé pour évoquer la Résurrection

Dans le récit de l’Apocalypse (Ap 22, 16), Jésus dit :

« Moi, Jésus, je suis le rejeton et la postérité de David, l’étoile brillante du matin »

Autrement dit, Jésus parle de lui-même en termes de lumière, très proches de l’expression « Lucifer », même si le mot n’y apparaît pas tel quel.
Au passage, dans l'évangile de Jean (en Jn 9,5), Jésus dit également :

« Je suis la lumière du monde »

Comme l’a donc très justement relevé Jef, l’usage du mot même « Lucifer » intervient encore, lors de l’Exultet, durant la veillée pascale. Autrement dit : le Samedi de Pâques, les Chrétiens proclament le triomphe de la lumière au cœur des ténèbres.

Les Chrétiens chantent : « Qu'il brûle toujours lorsque se lèvera l'astre du matin, celui qui ne connaît pas de couchant, le Christ ton Fils ressuscité qui, revenu des enfers, répand sur les hommes sa lumière et sa paix. »

Le Christ, seul vrai Lucifer

Depuis la Résurrection, le Christ est lui-même l’étoile du matin. Autrement dit, Jésus, en descendant aux enfers, est le seul véritable Lucifer, qui porte la lumière là où son singe, le diable, petit lucifer, a par sa révolte causé l’obscurité !

Le peintre anglais William Hunt a magnifiquement saisi cette identité du Christ lumière du monde dans son somptueux tableau Lumière du monde ci-dessous !

William Holman Hunt (1827–1910), La lumière du monde (v. 1855, huile sur toile 49 x 26 cm), Galerie d'art de Manchester, Angleterre. Domaine public.

Satan, Lucifer ? Une petite vidéo en conclusion pour y voir clair !

On vous invite à visionner notre vidéo de la saga PRIXM in Paris, pour vous assurer que vous avez tout bien compris. Alors direction Impasse Satan, dans le 20ème arrondissement !

Le mot de la fin

Sur ce thème de la lumière à faire rayonner et non à conserver orgueilleusement pour soi, Hans Urs von Balthasar a tout simplement des mots magnifiquement éclairants :

L’orgueilleux est pareil à un objet noir. Pour posséder et pour« briller », il absorbe toute la lumière en lui sans savoir que c’est justement à cause de cela qu’il ne réfléchit plus aucun rayon et qu’il est si sombre.
L’humble est clair : ce qu’il reçoit, il le donne plus loin, et il « brille »parce qu’il ne le veut pas. Renvoyant la lumière prêtée qui tombe sur lui, il devient lui-même lumière. Amour et mission ne font qu’un.

Hans Urs von Balthasar, Phénoménologie de la vérité. Paris, Beauchesne, 1952

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