Le couronnement de Jésus vu par René Girard

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Pourquoi Jésus est-il coiffé d'une couronne d'épines lors de sa Passion ? S'agit-il d'un couronnement ou d'une condamnation ? Pourquoi se laisse-t-il faire face à la violence des humiliations des soldats ? Dieu est-il tout-puissant ?

4 minutes pile avec Édouard Manet, Fra Angelico, Musset, René Girard et Mel Gibson pour un drame.
Dernière mise à jour -  
15/2/2024

La souffrance du Christ vue par Mel Gibson

On ne sait pas vraiment si on peut parler de pépite... Le Christ couronné d’épines est l’affiche du film de Mel Gibson, La passion du Christ.

La violence des tortures, les gros plans sur Jésus qui suffoque, et la haine des soldats qui l’entourent rendent cette scène particulièrement difficile à regarder.

Le texte biblique qui raconte la Passion du Christ et son humiliation

Nous vous proposons de suivre la Passion du Christ pas à pas dans l'Évangile de Matthieu. Après avoir été arrêté et interrogé par les grands prêtres, Jésus est conduit devant le gouverneur romain.

Alors les soldats du gouverneur, prenant avec eux Jésus dans le prétoire, rassemblèrent contre lui la cohorte entière

et l’ayant déshabillé, l’enveloppèrent d’une chlamyde* écarlate

et ayant tressé une couronne avec des épines, la posèrent sur sa tête et un roseau dans sa main droite

et faisant des génuflexions** devant lui se moquèrent de lui disant :

— Salut roi des Juifs !

Et lui crachant dessus ils prirent le roseau et l’en frappaient à la tête

et lorsqu’ils se furent moqués de lui, ils le déshabillèrent de la chlamyde et l’habillèrent de ses vêtements et ils l’emmenèrent pour le crucifier.

* Une chlamyde est un manteau d'une seule pièce sans couture.

** La génuflexion est littéralement l'action de se mettre à genoux en signe de respect. Ici ce geste est tourné en dérision.

Chapitre 27 versets 27 à 31 de l'Évangile de Matthieu dans le Nouveau Testament. Traduit du texte grec par les équipes de notre programme de recherches La Bible en ses traditions.

Le couronnement ironique de Jésus au cours de sa Passion

Christ outrages bandeau Vierge saint Dominique Fra Angelico
Fra Angelico, Christ aux outrages avec la Vierge et saint Dominique (fresque murale, 1438), Cellule 7 du couvent San Marco, Museo di San Marco, Florence, Italie.

Jésus condamné, Jésus détesté, Jésus honoré

René Girard, est l’un des penseurs français les plus influents du vingtième siècle. Membre de l’Académie française, il a longtemps été professeur à l'université de Stanford où il est décédé en 2015 à 91 ans.

Selon René Girard, pour la première fois dans l’histoire, l’événement de la Passion met à nu le mécanisme de la violence sociale et son engrenage inéluctable : le condamné est à la fois détesté comme cause du mal et honoré comme délivrant la communauté par son exclusion.

Aussi cette victime revêt souvent la figure du roi, personne sacrée, avec toutes les ambivalences du terme : à la fois vénérée et redoutée.

Le couronnement d'un Roi humilié analysé par René Girard

L’exemple du couronnement d’épines en est l’illustration typique. On assiste à la désignation d’un roi, mais au cours d’un processus totalement contraire de dévoilement :

  • Vêtu d’un manteau dont la couleur dit l’autorité royale, mais d'abord déshabillé
  • Couronné, mais d’épines
  • Doté d’un sceptre, mais qui va servir à le frapper
  • Désigné roi et recevant les génuflexions que ce rang impose, mais entre ricanements et crachats
Jésus souffrance brutalité soldats bourreaux Manet
Édouard Manet (1832-1883), Jésus insulté par les soldats (huile sur toile, 1864-65), Art Institute of Chicago, États-Unis.

Jésus, un innocent sacrifié

Derrière ce jeu social cruel, c’est le phénomène du bouc émissaire qui est dévoilé :

Victime expiatoire focalisant chaque petite ou grande haine interpersonnelle en une seule vague de violence, concentrée sur sa personne. C’est un phénomène spirituel où l'irrationalité s'empare de la foule, où toute une communauté se réconcilie par le meurtre d'une victime fantasmée et honnie.

La Passion du Christ est ainsi pour Girard, l’archétype du mécanisme de la violence qui se retrouve à toutes les époques de l’humanité.

En insistant sur l’absolue innocence de la victime (Jésus), l’évangéliste qui raconte ses souffrances et sa mort démasque le mensonge que représente ce mécanisme d’évacuation de la violence par la violence, et ouvre un nouvel espace de liberté dans la lutte contre le mal.

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Antoine Van Dyck (1599-1641), Le couronnement d’épines (huile sur toile, 1620), Musée du Prado, Madrid, Espagne.

Le mot de la fin

Pour le poète romantique Alfred de Musset, la couronne d’épines est le symbole d’une Passion qui prescrit le respect du Christ à tout homme, même non croyant :

« Quelle main cependant, même après avoir détruit tes œuvres, osera s’avancer jusqu’à toi ? Qui t’arrachera l’auréole de feu achetée au prix de la couronne d’épines ? »

Au terme de ses tortures, Jésus ne peut être ni méprisé ni moqué. Sa couronne d’épines devient le symbole de toute détresse humaine, et fait de lui le frère de tous les hommes souffrants :

« Un an après, il était nuit, J’étais à genoux près du lit où venait de mourir mon père. Au chevet du lit vint s’asseoir un orphelin vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère.[...] Il était couronné d’épines »,  

Alfred de Musset, « Tableau », Mélanges de littérature et de critique, Paris, 1867. Alfred de Musset, « La nuit de décembre », Poésies nouvelles, Paris, 1836-1852.

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