Sodome et Gomorrhe : deux villes bibliques réduites en cendre

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De quoi les villes de Sodome et Gomorrhe sont-elles le symbole ? Comment sont-elles détruites ? Quel est le lien entre ce texte biblique et l’histoire géologique de la région ?

3 minutes et 54 secondes avec Roberto Saviano, Jean-Baptiste Cariven et Clément d'Alexandrie
Dernière mise à jour -  
9/6/2023

Un célèbre film et deux célèbres villes

Réalisé par Matteo Garrone à partir du livre de Roberto Saviano, Gomorra est un film italien sorti en 2008. Il dépeint avec réalisme l'empire de la Camorra, l'organisation mafieuse qui règne sur la région de Naples et ses environs. 

Le titre du livre, ensuite adapté au cinéma, vient en fait… de la Bible. Jouant sur l’assonance et la proximité phonétique avec le terme « Camorra », il s’agit en fait du nom italien donné à une célèbre ville biblique : Gomorrhe (Gomorra en VO). Autrement dit, Saviano fait référence à la ville de « Gomorrhe » pour planter le décor et donner le ton. Mais de quoi s’agit-il ? 

Réponse en lisant le texte biblique qui suit !

Le texte biblique qui raconte la destruction de Sodome et Gomorrhe

Ce récit de la destruction des villes de Sodome et Gomorrhe fait directement suite au passage où Lot reçoit deux anges et subit les assauts de tous les habitants de Sodome qui veulent violer ceux-ci (pour redécouvrir ce texte atroce et l’éclairage que nous en avions fait, c’est ici).

[Les hommes de Sodome, des adolescents jusqu’aux vieillards, tout le peuple jusqu'au dernier] repoussaient avec violence Lot et s’avancèrent pour briser la porte. 

Et voici que les hommes étendirent les mains et firent rentrer Lot vers eux dans la maison et fermèrent la porte. Et ils frappèrent de cécité les hommes qui étaient à l’entrée de la maison, du plus petit jusqu’au plus grand et ceux-ci se fatiguèrent inutilement à chercher la porte.

Et les hommes dirent à Lot :
— Qui as-tu encore ici ? Gendres, fils et filles et qui que ce soit que tu aies en ville, fais-les sortir de cet endroit. Car nous allons détruire ce lieu car grand est le cri contre eux devant YHWH et YHWH nous a envoyés pour le détruire. 

Lot sortit et parla à ses gendres, qui avaient pris ses filles, et dit :
— Levez-vous, leur dit-il, sortez de ce lieu car YHWH va détruire la cité.  

Mais aux yeux de ses gendres il parut plaisanter.

Dès le point du jour, les anges pressèrent Lot, disant :
— Lève-toi, prends ta femme et tes deux filles qui sont ici afin que tu ne périsses pas dans le châtiment de la cité.

Comme il tardait, ces hommes les attrapèrent par les mains, lui, et sa femme et ses deux filles car YHWH voulait l’épargner, ils l’emmenèrent et le mirent hors de la ville. Et voici, lorsqu’ils les eurent fait sortir dehors, il dit :
En te sauvant, sauve ton âme ! Ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête nulle part dans la plaine. Sauve-toi vers la montagne, de peur d’être balayé. [...]

Le soleil se leva sur la terre et Lot entra à Çoar. Alors, YHWH fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu d’auprès de YHWH, du ciel. Il détruisit ces villes et toute la Plaine et tous les habitants des villes et les plantes de la terre. La femme de Lot regarda en arrière et devint une colonne de sel.

Abraham se leva de bon matin et se rendit là où il s’était tenu à la face de YHWH. Il regarda, face à Sodome et Gomorrhe et à tout le territoire de la plaine et voici, montait la fumée de la terre comme fumée de fournaise. Lorsque Dieu détruisit les villes de la plaine il se rappela Abraham et fit échapper Lot à la dévastation lorsqu’il dévasta les villes où Lot habitait.

Livre de la Genèse, chapitre 19, versets 9 à 17 puis 23 à 27. Traduit de l’hébreu par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Sodome et Gomorrhe ou la destruction par le feu

Joos de Momper le Jeune (1564-1635), Lot et ses filles fuyant Sodome et Gomorrhe (vers 1600, huile sur panneau), Musée de Flandre, Cassel (France). Domaine public.

Deux célèbres villes bibliques : Sodome et Gomorrhe

Mentionnées à de nombreuses reprises dans la Bible, Sodome et Gomorrhe sont des villes détruites par Dieu à cause des péchés de leurs habitants.

Mais de quoi les habitants de la région sont-ils coupables ? Principalement de 2 choses (dont on parle plus en détail ici) : 

  • Bafouer l’hospitalité et la protection envers les invités de Lot (car ils sont étrangers)
  • Et chercher à les violer et les violenter... 

Deux mots d'arabe et un peu de géographie

Historiquement, Sodome et Gomorrhe étaient des villes situées sur la rive sud-ouest de la mer Morte, à 100 km au Sud de Jérusalem. 

Pour l’anecdote, la mer Morte est également appelée بحر لوط en arabe (Bahr-Lût), ce qu’on peut traduire par « mer de Lot », puisque c’est la région que Lot avait décidé de rejoindre au moment de se séparer d’Abram, comme nous l’expliquions dans notre numéro sur Gn 13, 1-15 et l'histoire d'embrouilles entre bergers.

Jean-Baptiste Cariven (1843-1904), La fuite de Lot quittant Sodome et Gomorrhe (date inconnue, huile sur toile, 55 x 92 cm), Musée des Beaux-Arts de Gaillac (France). Domaine public.

La femme de Lot changée en colonne de sel

Le texte biblique raconte que la femme de Lot désobéit aux ordres des anges. Ceux-ci avaient pourtant formellement commandé à Lot et sa famille de ne pas se retourner dans leur fuite au moment de quitter Sodome et d’échapper à sa destruction :

« En te sauvant, sauve ton âme ! Ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête nulle part dans la plaine. Sauve-toi vers la montagne, de peur d’être balayé. » (Gn 19,17)

Pourtant, la femme de Lot ne suit pas la prescription des anges. Elle se retourne. 

« YHWH fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu. [...] Il détruisit ces villes et toute la Plaine et tous les habitants des villes et les plantes de la terre. La femme de Lot regarda en arrière et devint une colonne de sel. » (Gn 19, 23-26)

L’expression française « être changé en statue de sel » vient donc de l’épisode biblique de la destruction de Sodome et Gomorrhe. C’est le sort qui est dévolu à la femme de Lot.

Cet épisode biblique a laissé des traces dans le paysage de la région. De nos jours, le « Mont Sodome » est une colline entièrement faite de concrétions de sel. Une colonne de sel, présentée comme étant l'épouse de Lot, est toujours visible à cet endroit. Ou comment les récits bibliques inspirent la géographie…

D'ailleurs, cette anecdote est géniale car elle révèle un lien très intime entre les lieux et les récits de la Révélation biblique.

De fait, voyant ces concrétions de sel dans la région, les Anciens leur ont rattaché un récit étiologique (c'est-à-dire un récit qui vise à donner une explication imagée en réponse à un phénomène ou une situation dont on ne connaît pas l'origine). 

Ensuite, le récit devient tellement connu et vivant que se produit l'inverse : cette colonne acquiert un nom et devient la femme de Lot... Autrement dit : là où les lieux inspirent le récit, c'est finalement le récit qui prime et qui en vient à renommer les lieux. Ou comment les récits bibliques inspirent la géographie...

Mark A. Wilson (Department of Geology, The College of Wooster), La Femme de Loth sur le mont Sodome, Israël, (photographie, 16 juin 2007). Domaine public.

Le site archéologique de Sodome et Gomorrhe

La question du rapport entre l’histoire et les récits bibliques est souvent objet de fascination et de controverses. Pour ce qui est de ce passage sur la destruction des villes de Sodome et Gomorrhe, des phénomènes naturels historiques (attestés par des données géologiques, climatologiques et archéologiques), semblent confirmer le récit biblique évoquant la destruction de la région par le feu.

En effet, à la fin de l'âge du bronze ancien (c’est-à-dire vers 2000 av. J.-C), la plaine de Sodome était assez fertile, avant de subir un violent tremblement de terre. Selon les travaux des géologues David Neev and Kenneth Emery*, ce tremblement de terre aurait pu déclencher l'inflammation des hydrocarbures présents sous la mer Morte, permettant ainsi des explosions massives de bitume et des incendies. Selon leurs travaux et leurs théories, ceci expliquerait la mention du soufre et du feu dans le texte biblique racontant la destruction de Sodome et Gomorrhe.

*David Neev and Kenneth O. Emery, The Destruction of Sodom, Gomorrah and Jericho. Geological, Climatological, and Archaeological Background, New York, Oxford : Oxford University Press, 1995.

Attribué à Daniel van Heil (1604-1664 ), La ville en feu avec Lot, l'ange et ses filles (XVIIème siècle, huile sur panneau, 42 x 65 cm), collection privée. Domaine public.

La mémoire de Sodome et Gomorrhe dans la Bible

La postérité de Sodome et Gomorrhe est sans égale, et peuple très largement la mémoire de la tradition juive – et de la tradition chrétienne à sa suite. Cette mémoire est si vive qu’elle parcourt l’Ancien et le Nouveau Testament. 

L'Ancien Testament en parle à de nombreuses reprises, à l'image de ce passage du Livre du Deutéronome : « Toute la terre n’est plus que soufre, sel et feu ; elle n’est plus ensemencée ; rien ne germe et rien ne pousse, pas une herbe. C’est une catastrophe comme Sodome et Gomorrhe, comme Adma et Seboïm, que le Seigneur a ravagées dans sa colère et sa fureur. » (Dt 29,22)

Et de même, le Nouveau Testament en parle à plusieurs reprises, parfois même de la bouche du Christ lorsqu’il évoque le Jugement : « Le jour où Lot sortit de Sodome, du ciel tomba une pluie de feu et de soufre qui les fit tous périr [...]. Rappelez-vous la femme de Lot. Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera. » (Lc 17, 29.32-33)

Henry Ossawa Tanner (1859-1937), Sodome et Gomorrhe (vers 1920, huile sur toile, 104 x 92 cm), Michael Rosenfeld Gallery, New York (États-Unis). Domaine public.

Le mot de la fin

Pour ne pas finir sur une note sombre à l’issue de ce numéro, on a choisi de finir en lumière. C’est le théologien et Père de l’Église du IIe siècle Clément d’Alexandrie qui nous console par sa plume pleine d’espérance.

« Détachez vos yeux de la terre ; regardez le ciel, admirez les merveilles divines, cessez de dresser des pièges sous les pas du juste et d'entraver la route de la vérité. Soyez prudents et sans malice ; peut-être que le ciel vous donnera les ailes de la simplicité, car il donne des ailes aux enfants de la terre, afin de vous aider à sortir de ces retraites pour aller habiter au ciel. »

Clément d’Alexandrie, Le Protreptique, X, §106, Paris, Cerf, SC 2, 1949

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