Que fait Jésus tandis que les scribes et les pharisiens accusent la femme adultère ? Quelles sont les hypothèses sur ce qu’a pu écrire Jésus sur le sol à ce moment ?
Dans le morceau intitulé À l’ombre des maris, sorti en 1972 dans son album Fernande, le grand Georges Brassens chante :
Les dragons de vertu n'en prennent pas ombrage
Si j'avais eu l'honneur de commander à bord
À bord du Titanic quand il a fait naufrage
J'aurais crié "Les femmes adultères d'abord"
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière
En fait, Brassens fait ici implicitement référence à l’évangile de Jean et à la rencontre entre Jésus et la femme adultère.
On ne cesse de le montrer, dans nos numéros précédents avec les musique de Garou, Johnny Hallyday ou encore Maître Gims : l’expression “jeter la pierre” a une origine biblique.
L'épisode qui suit intervient au cours de la vie publique de Jésus. Il est ici à Jérusalem.
[Jésus] s’en alla sur le mont des Oliviers. À l'aube, il se présenta de nouveau dans le Temple. Et tout le peuple venait à lui. Et, s’étant assis, il les enseignait.
Mais les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise en adultère. Ils la firent se tenir au milieu.
Il disent à Jésus :
— Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider celles-là. Toi, donc, que dis-tu ?
Or ils disaient cela pour l'éprouver afin d'avoir de quoi l’accuser.
Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre, sans y faire attention.
Comme ils persistaient à l’interroger, il se redressa et leur dit :
— Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre.
Et de nouveau, se baissant, il écrivait sur le sol.
Entendant, ils se retirèrent un par un, en commençant par les plus vieux jusqu’aux derniers.
Et Jésus resta seul, ainsi que la femme debout au milieu.
Se redressant, Jésus lui dit :
— Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ?
Elle dit :
— Personne, Seigneur.
Et Jésus dit :
— Je ne te condamne pas non plus. Va, et désormais ne pèche plus.
On a déjà réalisé 3 épisodes sur cet épisode de la rencontre entre Jésus et la femme adultère.
Mais aujourd’hui, on s’arrête sur ce qui peut passer pour un détail à la première lecture : deux fois, au cours de ce passage, Jésus écrit sur le sol.
« Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre, sans y faire attention. »
Cette précision de l’évangéliste Jean a passionné les exégètes. Les hypothèses fleurissent sur ce que Jésus a pu écrire dans le sable à ce moment-là.
Voici quelques propositions, chacune prenant appui sur l’Ancien Testament :
Remarquons également un détail du texte même :
« Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait de son doigt sur la terre, sans y faire attention. » (Jn 8,6)
Avançons ici une dernière hypothèse : cette précision fait sans doute écho au doigt de Dieu qui écrit les tablettes de la Loi remises à Moïse, comme le raconte le Livre de l'Exode :
« Quand Il eut fini de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, [Dieu] lui remit les deux tables du Témoignage, tables de pierre écrites du doigt de Dieu. » (Ex 31,18)
Cette référence vient alors présenter Jésus comme auteur de la loi, et comme celui qui du même coup est le plus à même de l'interpréter correctement.
Finalement, comme nous le montrons dans cet autre article, ces quelques lignes tracées sur le sol et le mouvement qui les accompagne ont une puissante valeur symbolique.
On ne sait pas ce que Jésus a écrit sur le sol, tout juste peut-on avancer des hypothèses. Mais ce mouvement est déterminant : en tournant son regard vers le sol et en écrivant, Jésus ne porte pas un regard accusateur sur cette femme, comme la foule. Au contraire, ce regard détourné de Jésus est salvateur.
Il coupe court à l’hystérie et au faux-procès. Et il ouvre la voie à une issue inédite, qui prend en considération la femme adultère et qui lui redonne la dignité que la foule lui a arraché violemment.
Bref, le silence de Jésus, ancré dans l’écriture et sans doute l'Écriture, est aussi une façon d’agir. Et d’agir souverainement pour sauver cette femme d’une mort vite jugée.
L’histoire de la femme adultère est d’abord une histoire de pardon et de rédemption. En lisant ces lignes du théologien orthodoxe Olivier Clément, nous y avons décelé le même élan : la lumière de la rencontre avec le Christ en personne, qui pardonne et guérit :
« Un soir, j’ai regardé longtemps, très longtemps, les veines du bois sur ma table. Tout était là, tout était bien. Je me suis dit que Kirilov avait raison. Déjà, en traversant les rues, je n’évitais plus les voitures : être rien, être tout, tout est pareil. J’allais sortir pour les éviter un peu moins. Alors Quelqu’un m’a regardé. Lui, sur l’icône. Je ne jouerai pas les illuminés. Tout était silence, paroles du silence. Mais silence de lui, paroles de lui, dans une profondeur plus grande que celle du Soi, dans une profondeur où je n’étais plus seul. Il m’a dit que j’existais, qu’il voulait que j’existe, et donc que je n’étais pas rien. Il m’a dit que je n’étais pas tout, mais responsable. Que le mal était celui que je faisais. Mais que, plus profond encore, lui était là. Il m’a dit que j’avais besoin d’être pardonné, guéri, recréé. Et qu’en lui j’étais pardonné, guéri, recréé. « Voici, je suis à la porte et je frappe. » Et j’ai ouvert. »
Olivier Clément, L’autre soleil, Paris, Desclée de Brouwer, 2010, p. 128-129
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