Découvrez le récit du martyre de saint Étienne ! Pourquoi est-il condamné à mort ? Que signifie son prénom ?
Étienne, dont on vous parle aujourd’hui, est le premier martyr chrétien. En grec ancien, « Étienne » se dit stephanos — qui a aussi donné Stéphane, Stephen, Steven…
Et là, ça fait tilt : Ah c'est pour ça ! qu'on appelle « Stéphanois » les habitants de Saint-Étienne et les joueurs des Verts (l’équipe de Michel Platini, Blaise Matuidi, Bafé Gomis ou encore Stéphane Ruffier le bien-nommé).
Oui, c’est pour ça. Allez, direction les Actes des Apôtres pour découvrir l’histoire d’Étienne (alias Stéphane).
Devenu diacre, Étienne prêche l'Évangile et accomplit des miracles. Accusé de blasphèmes, il est arrêté et emmené devant le Sanhédrin (la plus haute autorité juive à Jérusalem). Pour sa défense, il prononce un discours où il retrace l’histoire d’Israël et accuse ses interlocuteurs de ne pas avoir respecté la Loi de Moïse. Il vient ici d’achever son discours…
En entendant cela, ceux qui siègent au Sanhédrin étaient furieux en leurs cœurs et ils grinçaient des dents contre lui.
Mais Étienne, rempli de l’Esprit saint, ayant fixé les yeux au ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu, et il dit :
— Voici que je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.
Alors, poussant des cris d’une voix forte, ils se bouchèrent les oreilles et se jetèrent d’un même cœur sur lui et, après l’avoir entraîné hors de la ville, ils le lapidaient. Et les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul. Et ils lapidaient Étienne qui invoquait Dieu et disait :
— Seigneur Jésus, reçois mon esprit !
Or s’étant mis à genoux, il s’écria d’une voix forte :
— Seigneur, ne leur imputez pas ce péché !
Et, cela dit, il s'endormit.
Les Actes des Apôtres racontent les premières années de l’Église après l’Ascension de Jésus. On est donc approximativement dans les années 30 (les vraies années 30). Étienne fait partie des sept premiers hommes choisis par les Apôtres.
« Ils choisirent Étienne, homme plein de foi et d’Esprit Saint, et Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timon, et Parmenas et Nicolas : ils les placèrent debout sous le regard des apôtres. Après avoir prié, les apôtres leur imposèrent les mains. » (Ac 6, 5-6)
Ces sept hommes sont les relais des douze apôtres dans leur mission. D’après la tradition chrétienne, il s’agit des premiers diacres. C'est pour ça que Carpaccio (ci-dessus) et Rembrandt (ci-dessous) représentent Étienne avec de magnifiques habits liturgiques.
En vertu de sa foi, Étienne accomplit « des prodiges et de grands signes devant le peuple » (Ac 6, 8). Mais alors pourquoi est-il condamné ? Que lui reproche-t-on ?
En fait, les autorités juives de l’époque ont peur qu’Étienne convertisse de plus en plus de gens à l’Évangile et sème le trouble dans la région. Pour éviter cela, Étienne est arrêté et faussement accusé d’être un blasphémateur (Ac 6, 11-12).
À la suite du discours d’Étienne où ils s’en prennent plein la figure (on vous laisse aller lire les versets 1 à 54 du chapitre 7 des Actes des Apôtres…), ceux qui l’écoutent deviennent fous de rage :
« Poussant des cris d’une voix forte, ils se bouchèrent les oreilles et se jetèrent d’un même cœur sur lui et, après l’avoir entraîné hors de la ville, ils le lapidaient. » (Ac 7, 57-58)
Pourquoi cette scène a-t-elle lieu « hors de la ville » ? Réponse : parce que dans la tradition juive, tout ce qui est considéré comme impur est effectué hors de la ville. Ainsi, le sang et le cadavre d'Étienne ne souillent pas Jérusalem et ses habitants.
Mais pourquoi Étienne est-il lapidé ? Pourquoi n’est-il pas plutôt décapité ou crucifié ? En fait, Étienne a une vision et confesse : « Voici que je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » (Ac 7, 56). Par ses mots, il reconnaît Jésus comme Dieu.
Pour ses auditeurs, c'est un blasphème. Or, d’après la Loi juive, la sanction pénale réservée aux blasphémateurs, c'est la lapidation (Lv 24, 16). Ici, Étienne est accusé de blasphème contre Dieu et contre Moïse :
« Alors ils soudoyèrent des hommes pour qu’ils disent : “Nous l’avons entendu dire des paroles blasphématoires contre Moïse et Dieu.” » (Ac 6,11)
Alors que les pierres lacèrent la peau d’Étienne, il s’en remet à Dieu.
Petit détail à relever : les paroles d’Étienne, au moment de mourir, ressemblent beaucoup aux paroles de Jésus… Et ce n'est pas un hasard !
Ce parallèle montre le génie de l’évangéliste Luc — qui est l'auteur non seulement de l’évangile de Luc… mais aussi des Actes des Apôtres !
Luc veut montrer qu’Étienne se conforme au Christ jusque dans la mort et jusque dans ses dernières paroles. En ce sens, Étienne est l’archétype du « martyr chrétien », c’est-à-dire du croyant qui meurt pour sa foi au Christ. D'ailleurs, ça n'a pas échappé à Charles Thévenin (tableau ci-dessous) : Étienne meurt les bras en croix, à la manière de Jésus.
Enfin, remarquez que dans sa prière, Étienne s'adresse directement à Jésus, comme un indice pour montrer qu'il reconnaît et croit que Jésus est Dieu.
Dans la Bible, les étymologies des noms sont souvent très précieuses pour donner des indices sur la mission de la personne. En l’occurrence, le prénom Étienne vient du terme grec stephanos qui signifie « couronne ».
Or, Étienne (« couronne ») est considéré comme le premier martyr chrétien… et la couronne de lauriers est l’attribut des martyrs dans l’iconographie chrétienne.
Conclusion : l’attribut des martyrs trouve donc son origine dans l’histoire du premier martyr, Étienne. Au passage, on comprend mieux pourquoi l'ange se contorsionne pour déposer cette couronne sur la tête du jeune Étienne en train de mourir dans le tableau de Rubens (ci-dessous).
Pour refermer ce numéro, on vous laisse avec le théologien et Père de l’Église du IIe siècle : Irénée de Lyon. Il commente les derniers mots du Christ :
« De même, cette parole du Seigneur sur la croix : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (Lc 23,34) révèle la longanimité, la patience, la miséricorde et la bonté du Christ, puisque tout à la fois lui-même a souffert la Passion et a excusé ceux qui le maltraitaient. Car cette parole que nous a dite le Verbe de Dieu : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous haïssent, il l'a lui-même mise en pratique sur la croix, en aimant le genre humain jusqu'à prier pour ceux-là mêmes qui le faisaient mourir. »
Irénée de Lyon (130-200), Contre les hérésies, Livre III, Deuxième partie, trad. Adelin Rousseau et Louis Doutreleau, SC 211, Paris, Cerf, 2002