Que signifie le mot « humilité » ? D'où vient-il étymologiquement ? Y a-t-il un rapport entre l’humilité et l'humus de la terre ?
Dans son dernier album, Gorillaz chante le cri d’un homme refusant sa solitude. Le titre est appelé Humility. Ça tombe bien parce que dans ce numéro on se penche sur le sens de ce terme.
Dans une lettre écrite à la communauté chrétienne d'Éphèse, saint Paul appelle à vivre avec humilité.
Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur,
à mener une vie digne de l'appel dont vous avez été appelés
avec toute humilité et mansuétude
avec patience
vous supportant les uns les autres dans la charité
appliqués à garder l’unité de l’esprit dans le lien de la paix.
Dans ce numéro, réfléchissons au sens d’un terme très présent dans les Écritures, et qui n'a jamais cessé d'irriguer nos cultures : l'humilité.
Pour vous, nous sommes retournés lire les écrits de 2 géants : un moderne et un ancien… Ils nous donnent 3 images pour illustrer cette notion.
Antoine Bloom (auteur russe né en suisse, mort à Londres, et évêque orthodoxe de Souroge) nous donne l'étymologie de ce terme :
« Le mot ''humilité'' vient du latin humus qui signifie terre fertile ; pour moi l’humilité n’est pas, comme on le pense souvent, l’effort maladroit de celui qui veut convaincre qu’il est pire que le reste du monde et convaincre autrui que son comportement peu naturel exprime cette conviction. L’humilité est la condition de la terre. La terre est toujours là et personne ne songe à s’en étonner, personne ne pense à elle, tout le monde la foule aux pieds : elle est le lieu qui reçoit les déchets, tous les objets de rebut. Elle est là silencieuse, acceptant tout et transformant miraculeusement en richesse nouvelle tous ces détritus en décomposition ; transformant la corruption elle-même en ferment de vie nouvelle, réceptive au soleil, réceptive à la pluie prête à recevoir toute semence et capable de produire trente, soixante, cent fois plus qu’elle n’a reçu. »
Antoine Bloom, L’école de la prière, Seuil, 1972
En arabe et en hébreu, le mot « hummus » désigne une purée de pois chiche qui est devenue un de nos apéros préférés… Écrit dans nos langues, il ressemble à l'humus, mais ça n'a rien à voir : il vient de la racine arabe « حمص » qui signifie « rôtir» ou « torréfier ».
Du coup, il y a bien des manières d'interpréter ce tag du déplorable mur de Bethléem…
On continue avec cette image donnée par Antoine Bloom dans la même page :
« Songez à la voile d’un bateau. Une voile peut capter le vent et en raison de sa fragilité, faire évoluer un bateau. Si à la place d’une voile on mettait une planche, le vaisseau n’avancerait pas : c’est la légèreté de la voile qui la rend sensible au vent. »
Puisqu'on était en Palestine avec la dernière photo, restons-y et interrogeons un très grand moine antique de la terre de Jésus, Dorothée de Gaza. C'est lui qui nous fournira la troisième image de l'humilité.
« Les porcs ont une très bonne constitution. Ils mangent des gousses, des noyaux de dattes et des ordures. Pourtant, ils transforment cette nourriture en viande succulente. Nous de même, si nous avons de bonnes habitudes et un bon état d'âme, nous pouvons tirer profit de tout, même de ce qui n'est pas profitable.»
Dorothée de Gaza, Lettre 1 (trad. cf SC 92, p. 495)
👉 Voilà, en bref, si vous avez tout suivi, l’humilité consiste à être
Dans une réflexion sur l’humilité menée au cœur de son ouvrage Mere christianity, voilà ce qu’écrivait C.S. Lewis, collègue de Tolkien à Oxford et auteur des Chroniques de Narnia :
« C’est la comparaison qui vous rend orgueilleux, le plaisir d’être au dessus du reste. Une fois l’élément de compétition disparu alors l’orgueil n’existe plus. Pour éviter l’orgueil il ne faut pas se mettre au dessus des autres mais pas en dessous non plus. »
Certains ont voulu le paraphraser et cela a donné :
L’humilité ne consiste pas à avoir une moins bonne opinion de soi
mais on la découvre en pensant moins à soi.
C.S. Lewis, Mere christianity, éd Geoffrey Bles, 1972