D’où vient l’expression « pleurer comme une Madeleine » ?

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Pourquoi dit-on « pleurer comme une Madeleine » à propos de quelqu’un qui pleure beaucoup ? À quoi et à qui cette expression fait-elle référence ?

2 minutes et 36 secondes avec Thomas Fersen, Rubens et Søren Kierkegaard
Dernière mise à jour -  
24/11/2023

Pleurer comme une Madeleine avec Thomas Fersen

Quoi de plus déjantées que les musiques du fabuleux Thomas Fersen ? Dans son morceau intitulé La Chauve-souris sorti en 2004, il imagine l’amour passionné qu’éprouve… une chauve-souris pour un parapluie. Les paroles sont absolument folles. Mais une petite expression française nichée au milieu de l’avant-dernier couplet a retenu notre attention :

« Riant comme une baleine,
pleurant comme une Madeleine
Une chauve-souris aimait un parapluie.
Ils allèrent se dire oui dans l'grenier d'la mairie
Une chauve-souris aimait un parapluie »

Pour ce qui est de « rire comme une baleine », franchement on a cherché mais il n’y a pas la moindre référence biblique. Pour ce qui est de « pleurer comme une Madeleine » en revanche, on a notre petite idée. Pour ça, il suffit de lire ce court passage de l’évangile de Luc.

Le texte biblique à l’origine de l’expression « pleurer comme une Madeleine »

Ce passage de l’évangile de Luc raconte l’épisode à l’origine de l’expression populaire « pleurer comme une Madeleine ».

Un pharisien demanda [à Jésus] de manger avec lui : il entra dans la maison du pharisien et se mit à table.

Et voici une femme, qui dans la ville était une pécheresse. Ayant su qu’il est à table dans la maison du pharisien, après avoir apporté un vase d’albâtre [plein] de parfum, et se tenant en arrière, à ses pieds, tout en pleurant, elle se mit à lui arroser les pieds de ses larmes, et des cheveux de sa tête elle [les] essuyait et couvrait de baisers ses pieds et [les] oignait de myrrhe.

Voyant [cela], le pharisien qui l’avait invité se dit en lui-même :
— Celui-là, s’il était prophète, saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle est : une pécheresse !

Et, prenant la parole, Jésus lui dit :
— Simon, j’ai quelque chose à te dire.

Et lui :
— Maître, parle, dit-il.

[Jésus reprit :]
— Un créancier avait deux débiteurs : l’un devait cinq cents deniers et l’autre cinquante. Et comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce à tous deux. Lequel d’entre eux, dit-il, l’aimera davantage ?

Et répondant, Simon dit :
— Je suppose que c’est celui à qui il a fait grâce de plus.

Il lui dit :
— Tu as jugé correctement.

Et, se retournant vers la femme, il dit à Simon :
— Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds. Elle, au contraire, m’a arrosé les pieds de larmes et avec les cheveux de sa tête elle [les] a essuyés. Tu ne m’as pas donné de baiser. Voici qu’elle, au contraire, depuis que je suis entré, n’a cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu n’as pas oint ma tête d’huile. Elle, au contraire, m’a oint les pieds de myrrhe. À cause de cela, te dis-je, ses péchés, ses nombreux [péchés] lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on remet peu aime peu.

Il lui dit à elle :
— Tes péchés sont remis.

Et ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes :
— Qui est celui-ci qui remet même les péchés ?

Il dit à la femme :
— Ta foi t’a sauvée, va en paix.

Évangile selon saint Luc, chapitre 7, versets 36 à 50. Traduit du grec par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Une scène folle : de l’huile, des pieds, des cheveux, des larmes

Santi di Tito (1536-1603), détail de la Fête à la maison de Simon le pharisien (1572, fresque, dimensions inconnues), Basilique de la Santissima Annunziata à Florence (Italie). Domaine public.

L’origine biblique d’une expression populaire

« Se tenant en arrière, à ses pieds, tout en pleurant, elle se mit à lui arroser les pieds de ses larmes. Des cheveux de sa tête elle [les] essuyait et couvrait de baisers ses pieds et [les] oignait de myrrhe. » (Lc 7, 38)

Désolé de détruire un mythe pour celles et ceux qui y croyaient, mais l’expression courante « pleurer comme une Madeleine » n’a rien à voir avec les bienheureuses petites pâtisseries chères à Marcel Proust. Aucun rapport.

La véritable origine de cette expression vient tout droit de ce passage de l’évangile. Et sachez qu’il convient d’écrire « Madeleine » avec une majuscule, puisqu’il s’agit d'une personne, d'un nom propre.

Ce passage de l’évangile de Luc raconte la scène d’une femme qui parfume et lave les pieds de Jésus en l’arrosant de ses larmes. Remarquons pourtant que Luc ne donne pas le nom de cette femme. « Pleurer » OK, mais pourquoi « comme une Madeleine » ?

Piero di Cosimo (1462-1522), Sainte Marie Madeleine lisant (vers 1490, tempera sur panneau, 72 x 53 cm), Galerie nationale d'Art ancien, Rome (Italie). Domaine public.

Une référence à Marie-Madeleine

En fait, cet épisode a été associé, interprété dans le temps avec un autre récit similaire où l’évangéliste Jean nomme expressément une certaine « Marie » (Jn 12, 1-11)

Or, mêlant et conjuguant l’information de l’évangile de Luc mentionnant « une femme pécheresse » et cette « Marie » de l'évangile de Jean, la tradition chrétienne y a vu la figure de Marie-Madeleine, la pécheresse repentie, première témoin de la Résurrection au dimanche de Pâques. 

L’expression « pleurer comme une Madeleine » signifie donc pleurer abondamment, à l’image de cette femme assimilée à Marie-Madeleine par la tradition chrétienne. Elle pleure tant qu’elle a suffisamment de larmes pour laver les pieds de Jésus.

Allez plus loin dans l’analyse des différents récits des évangiles faisant référence à une scène de lavement des pieds essuyés à coups de belle chevelure. Nous vous conseillons chaudement d’aller lire nos articles sur le récit de l'onction à Béthanie :

Peter Paul Rubens (1577-1640), Repas chez Simon le Pharisien (vers 1618, huile sur toile, 189 x 285 cm), Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg (Russie). Domaine public.

Le mot de la fin

Le philosophe danois Søren Kierkegaard a largement lu et analysé cet épisode des évangiles mettant en lumière l’écart entre la générosité de cette femme assimilée à Marie-Madeleine d’une part, et le manque de foi et de générosité de Simon le pharisien d’autre part. Et selon lui, le vrai christianisme consiste à rendre tous les hommes riches.

« Cela, c’était bien le christianisme, non pas le fait qu’un homme riche donne sa richesse au pauvre, mais que le plus pauvre de tous rende tous les hommes riches, les riches comme les pauvres. Et cela, c’était bien le christianisme, non pas le fait que ce soit le cœur joyeux qui console l’affligé, mais que ce soit le plus affligé de tous [qui console l’affligé]. »

Søren Kierkegaard (1813-1855), Exercice en christianisme (1850), traduction Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet-Tisseau, Œuvres complètes de Søren Kierkegaard, vol. 17, Paris : Orante, 1982, p. 196

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