Qui est Samson dans la Bible : un super-héros ou un anti-héros ?

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Pourquoi compare-t-on parfois le personnage biblique de Samson à Hercule dans la mythologie grecque ? Comment se manifeste la force surhumaine de Samson ?

3 minutes et 21 secondes avec Franz von Stuck, Rembrandt, Francesco Hayez et une super valise
Dernière mise à jour -  
26/1/2024

La valise aussi forte que Samson

Créée en 1910 par Jess Shwayder, la marque de valise américaine Samsonite tient son nom… d’un personnage biblique : Samson (*rien à voir avec Véronique) ! 

Samson est un personnage réputé pour sa force inégalée. En filiation directe avec son nom, la marque Samsonite se targue ainsi de fabriquer « les valises les plus résistantes jamais conçues », à l’image de la résistance de Samson qui s’est battu à mains nues contre un lion !

Aujourd’hui, on revient justement sur cet épisode herculéen : le combat entre Samson et le lion. 

Le texte biblique qui raconte le combat entre Samson et le lion

Dans ce passage du Livre des Juges, Samson part retrouver une jeune femme du peuple philistin dont il est amoureux. Ce peuple est alors ennemi du peuple israélite auquel Samson appartient. En chemin, Samson se retrouve nez à nez avec un lion...

Samson descendit avec son père et sa mère à Timna. Lorsqu’ils arrivèrent aux vignes de Timna, voici qu’un jeune lion rugissant vint à sa rencontre. L’Esprit de YHWH saisit Samson et Samson déchira le lion comme on déchire un chevreau, sans avoir rien à la main. 

Et il ne raconta pas à son père et à sa mère ce qu’il avait fait. Il descendit et parla à la femme et elle lui plut à ses yeux.

Et après quelques jours, revenant pour qu’il la reçoive, il fit un détour pour voir le cadavre du lion. Et voici qu’un essaim d’abeilles était dans le corps du lion, ainsi que du miel. 

Tandis qu’il en prit dans ses mains, il en mangeait sur le chemin et, venant à son père et à sa mère, il leur en donna et eux et lui en mangèrent mais il ne leur raconta pas qu’il avait pris le miel dans le corps du lion.

Livre des Juges, chapitre 14, versets 5 à 10. Traduit de l’hébreu par les équipes du programme de recherches La Bible en ses traditions.

Il a mangé du lion : Samson, le Hercule de la Bible

Pierre Paul Rubens (1577-1640), Samson tuant le lion (1628, huile sur toile, 226 x 268 cm), Fond Culturel Villar Mir, Madrid (Espagne). Domaine public.

Samson, un homme consacré à Dieu

La semaine dernière, on s’est penché sur le récit de la naissance de Samson (Jg 13), le dernier juge du Livre des Juges. Il doit délivrer le peuple israélite de l’emprise des Philistins. 

Samson a pour particularité d’être consacré à Dieu. On appelle cela le naziréat — et cela se remarque concrètement par le fait qu’il soit soumis à trois interdits : 

  • ne pas boire de boisson fermentée ;
  • ne pas se couper les cheveux ;
  • et ne pas s’approcher de ce qui est considéré comme impur, c’est-à-dire ce qui mélange les genres, par exemple un cadavre mélangeant la vie et la mort.

Or, Samson ne respecte clairement pas ses vœux de nazir ! C’est ce que nous allons observer tout au long de notre éclairage.

Franz von Stuck (1863-1928), Samson (1891, huile sur bois, 40 x 25 cm) Museum Villa Stuck, Munich (Allemagne). Domaine public.

Samson et le lion : silence et transgression

Tout d’abord, observons l’affrontement entre Samson et le lion. À vrai dire, le combat est particulièrement elliptique (il tient en une seule phrase) et se fait en deux temps. 

« L’Esprit de YHWH saisit Samson et Samson déchira le lion » (Jg 14, 6)

Ainsi, grâce à Dieu qui le saisit, Samson est plus fort que le lion. Autrement dit, le texte biblique ne raconte pas tellement un combat légendaire façon The Revenant entre DiCaprio et un ours, mais cherche d’abord à souligner que le véritable acteur de la victoire de Samson, c’est Dieu. 

Or, lorsque Samson revient vers ses parents, il ne mentionne absolument pas l’exploit que Dieu lui a permis de réaliser en affrontant le lion ! Alors que, disons-le, Samson se serait probablement fait manger tout cru par le fauve si l’Esprit de Dieu n’était pas intervenu…

  • « Et il ne raconta pas à son père et à sa mère ce qu’il avait fait. » (Jg 14,6)
  • « Mais il ne leur raconta pas qu’il avait pris le miel dans le corps du lion. » (Jg 14, 9)

Ainsi, par son silence répété, il ne témoigne pas de la force de Dieu qu’il reçoit et qu’il pourrait mettre au service du peuple d’Israël. 

Certes, vous pourriez nous rétorquer que Samson ne peut pas raconter ce combat car le nazir n’a pas le droit de toucher ce qui est impur — ici, le cadavre du lion. Donc mieux vaudrait pour lui qu’il évite de la ramener sur ce sujet !

Oui mais Samson revient quelque temps après pour s'approcher à nouveau du cadavre du lion et pour y prélever du miel. Le texte dit même qu’il fait un détour exprès !

« Il fit un détour pour voir le cadavre du lion » (Jg 14, 8)

Donc autant dire qu’il se moque pas mal de ce qui lui est interdit ou pas.

Ainsi, au lieu de témoigner de la force surhumaine qu’il a soudainement reçue de Dieu, Samson préfère taire l’événement et transgresser les interdits qui sont liés à ses vœux de naziréat !

Giuseppe Piamontini (1664‑1742), Samson et le lion (1713, sculpture en bronze, 48 x 37 x 29 cm), Galerie Kugel, Paris (France). Domaine public.

De la mort du lion surgit du miel !

Samson revient donc sur le lieu du combat et découvre mystérieusement… du miel et des abeilles dans le cadavre du lion : 

« Et voici qu'il y avait dans la carcasse du lion un essaim d'abeilles et du miel. » (Jg 14, 8)

La situation a de quoi sidérer ! Plusieurs interprétations peuvent être déduites de cette scène.

  • Tout d’abord, notons le lieu de l'événement. Samson se balade au milieu des vignes (« Lorsqu’ils arrivèrent aux vignes de Timna », Jg 14, 5) : drôle de lieu pour un homme abstinent de boisson alcoolisée !...
     
  • Ensuite, Samson revient là où se trouve la carcasse de l’animal mort. Or, rien n’est plus impur qu’une bête crevée et abandonnée ! On s’est demandé si on aimerait manger du miel pris dans une carcasse en décomposition. On est vite tombé d’accord : c’est sérieusement écœurant. À nouveau, Samson transgresse ses vœux de nazir.
     
  • Enfin, cette situation énigmatique peut être éclairée à l’aune d’une petite analyse sémiotique — *sémiotique est un mot très stylé qui sert tout simplement à désigner ce qui est relatif à l’analyse des symboles.
Francesco Hayez (1791-1882), Samson et le lion (1842, huile sur toile, 210 x 162 cm), Galerie d’art moderne, Florence (Italie). Domaine public.

Lion + miel = ?

Pourquoi des abeilles choisissent-elles la carcasse d’un lion pour y produire leur miel ? Penchons-nous sur les 2 termes qui forment cette image étonnante : le lion et le miel. 

  • Le lion a une portée symbolique ambivalente dans la Bible. Il symbolise la force, mais selon deux modalités opposées : 
  • Ou bien il est symbole de la force du mal — à l'image de ce verset du Psaume : « Sur le lion et sur la vipère tu marcheras, tu piétineras le lionceau et le dragon. » Ps 91, 13
  • Ou bien il est signe de la puissance de Dieu et surtout de la royauté — le lion est notamment le symbole de la tribu de Juda, et c’est ainsi l’emblème de la ville de Jérusalem aujourd’hui encore.
     
  • Le miel est symbole de douceur et de délice. Dans l’Ancien Testament, l’expression « pays où coulent le lait et le miel » revient à de très nombreuses reprises et évoque l’abondance et la richesse de la Terre Promise.

Si l’opposition entre la force du lion et la douceur du miel qui sort de son cadavre nous semble bien énigmatique, elle peut aussi s’interpréter comme une image très significative. En effet, on peut lire dans cette image une métaphore du devoir de Samson :

  • servir Dieu en étant un Juge puissant (le lion) 
  • pour sauver le peuple d’Israël en Terre Promise (où coule le miel).
Rembrandt (1606-1669), Le mariage de Samson (1638, huile sur toile, 126 x 177 cm), Gemäldegalerie Alte Meister, Dresden (Allemagne). Domaine public.

Samson s'amuse !

À cette scène succède ensuite un épisode de banquet. Un quoi, un banquet ? Encore une fois, c’est là une habile indication pour nous suggérer que Samson transgresse ses vœux de nazir — car... on peut faire l’hypothèse que ce festin est synonyme d’alcool.

« Son père descendit alors chez cette femme, et Samson y donna un festin, comme le font habituellement les jeunes gens. » (Jg 14, 10)

Pire encore, Samson fait de son histoire une énigme pour amuser la galerie ! En effet, il convoque le mystère du miel jailli du lion pour en faire un jeu qu’il propose à ses convives lors de son mariage, quelques versets plus loin : 

« Samson dit aux convives :
— Laissez-moi vous proposer une énigme. Si vous m'en révélez le sens au cours des sept jours de festin, et si vous trouvez, je vous donnerai trente pièces de toile fine et trente vêtements d'honneur. Mais si vous ne pouvez pas me donner la solution, c'est vous qui me donnerez trente pièces de toile fine et trente vêtements d'honneur.
— Propose ton énigme, lui répondirent-ils, nous écoutons.
Il leur dit donc :
— De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux. » (Jg 14, 12-14)

Pour couronner le tout, Samson propose cette énigme devant des convives qui sont tous des Philistins, ennemis du peuple d’Israël ! Bref, Samson s’amuse avec ses ennemis. 

Ainsi, Samson ne retient du combat contre le lion que ce qu’il lui plaît et lui est agréable : 

  • le miel, quitte à le manger alors qu’il provient tout droit… d’un cadavre ! 
  • et ce mystère en lui-même, qu'il utilise comme une devinette pour jouer avec les Philistins et qu’il met en pari pour gagner un peu d’argent et quelques fringues…

Et pourtant, c’est bien lui que Dieu suscite pour être Juge ! En réalité, chaque épisode de son histoire montre qu'il n'a de préoccupation que pour lui-même, montrant par là qu'il s'agit finalement d'une figure de anti-héros.

Lucas Cranach l'Ancien (1472-1553), Samson combattant le lion (vers 1525, peinture sur bois de hêtre, 57 x 38 cm), château de Weimar, Weimar (Allemagne). Domaine public.

Le mot de la fin

Les Pères de l’Église, familiers des Écritures, connaissaient évidemment ce texte du Livre des Juges sur le combat entre Samson et le lion. Pour eux, la figure de Samson animé par l’Esprit de Dieu au moment de tuer le lion annonce la figure de Jésus-Christ qui triomphe de la mort par sa Résurrection :

« Sur une plaque de cuivre sur l’autel de Verdun consacrée à Samson combattant le lion, on peut voir écrit en latin : “VIR GERIT ISTE TUAM, LEO MORTIS, CHRISTE, FIGURAM” qui signifie : “cet homme porte ta figure, ô Christ ; et le lion porte la figure de la mort". »

Robert Favreau, « Le thème iconographique du lion dans les inscriptions médiévales », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1991

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