D’où vient l’expression « semer la zizanie » ?

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Quelle est l’origine de l’expression « semer la zizanie » ? Que signifie-t-elle au juste ? Quel est le rapport avec la Bible ?

3 minutes et 47 secondes avec Louis de Funès et Annie Girardot, Astérix, Fra Angelico et Georges Bernanos
Dernière mise à jour -  
17/10/2025

La zizanie au cinéma

En 1978, les fantastiques Annie Girardot et Louis de Funès sont à l’affiche d’un film au titre pétillant : La Zizanie.

Cette expression n’a aucun rapport avec Zinédine Zizane. Ni avec Zinedine Zidane. En revanche, elle a un lien très direct avec l’évangile. C’est ce qu’on vous explique aujourd’hui !

Découvrez le texte biblique à l’origine de l’expression « semer la zizanie »

Dans ce court passage de l’évangile de Matthieu, Jésus s’adresse à ses disciples. 

Il leur proposa une autre parabole, disant :

— Le royaume des cieux est semblable à un homme semant de la belle semence dans son champ. Pendant le sommeil des hommes vint son ennemi par-dessus. Il sema des zizanies au milieu du blé et partit. Lorsque l’herbe poussa et qu’elle fit du fruit, alors apparurent aussi les zizanies.
Alors, s’étant approchés, les serviteurs du maître de maison lui dirent : “Seigneur n’est-ce pas de la belle semence que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il a des zizanies ?”
Et lui leur affirma : “Un homme ennemi a fait cela”.
Alors les serviteurs lui dirent : “Veux-tu donc que nous allions les ramasser ?”.
Mais il disait : “Non, de peur qu’en ramassant les zizanies vous ne déraciniez en même temps avec elles le blé. Laissez grandir ensemble les deux jusqu’à la moisson et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : ‘Ramassez d’abord les zizanies et liez-les en bottes pour les brûler ; quant au blé, rassemblez-le dans mon grenier’.” [...]

Tout cela Jésus le parla en paraboles aux foules et sans paraboles il ne leur parlait de rien, afin que fût accompli le mot dit par le prophète disant : J’ouvrirai ma bouche en paraboles je proférerai des choses cachées depuis la création du monde.

Alors, ayant congédié les foules, Jésus vint dans la maison et ses disciples s’approchèrent de lui et dirent :
— Explique-nous la parabole des zizanies du champ.

Répondant, il leur dit :
— Celui qui sème la belle semence c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde la belle semence, ce sont les fils du royaume ; les zizanies, les fils du mauvais. L’ennemi qui les a semées, c’est le diable ; la moisson, c’est la consommation du siècle et les moissonneurs, ce sont les anges.

Évangile selon saint Matthieu, chapitre 13, versets 24 à 30 puis 34 à 39. Traduit du grec par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

La parabole de l’ivraie, alias la zizanie semée en pleine nuit

Tandis qu'un village d'irréductibles Gaulois lui résiste encore et toujours, Jules César décide d'envoyer chez eux un certain Tullius Détritus, un Romain qui a le don inouï de semer la zizanie partout où il passe (c'est lui le petit bonhomme qui se frotte les mains entre Astérix et Obélix, sur la couverture). La BD est sortie en 1970.

Une bonne vieille expression biblique

On pose la question après avoir donné la réponse (c’est une méthode pédagogique comme une autre)... D’où vient l’expression « semer la zizanie » ? Eh bien de l’évangile !

Pour être précis, le mot français « zizanie » vient de cette parabole de Jésus où l'évangéliste utilise le mot grec zizania. Son identification est incertaine mais il signifie « mauvaises herbes » (on parle aussi de « l’ivraie » dans certaines traductions). Ici, Jésus fait référence à une herbe qui ressemble à du blé.

Autrement dit : au sens littéral et botanique du terme, semer la zizanie, c’est faire pousser de la mauvaise herbe.

Dans la parabole, l’action de cet « ennemi » nocturne est diablement perverse car, dans un premier temps, rien ne permet de distinguer le bon grain de l’ivraie. C’est seulement au temps de la moisson que l’une et l’autre plantes peuvent être distinguées. Pire, certaines mauvaises herbes sont vénéneuses voire mortelles.

Au sens biblique, voilà ce que signifie « semer la zizanie » : introduire de façon perverse quelque chose qui sabote une œuvre préexistante.

Le zizaneur est un saboteur.

Ceci est une parabole. C'est simplement une fonction mathématique et une courbe algébrique. Comme les paraboles de Jésus, elle présupposent une symétrie. Voilà, c'est cadeau.

Une parabole pour parler du « Royaume des cieux »

Maintenant qu’on a dit le plus évident, entrons dans le cœur de l’analyse. Ici, Jésus raconte une parabole, c’est-à-dire une petite histoire symbolique et imagée qui prend la forme d’un récit énigmatique.

Tout en convoquant l’expérience agricole de ses auditeurs, Jésus invente cette petite histoire pour évoquer une réalité mystérieuse et inépuisable — donc indéfinissable. En effet, Jésus emploie l’image d’un « semeur »... pour évoquer une réalité divine complexe : le « Royaume des cieux ».

Le langage de la parabole est donc un moyen privilégié pour en dire quelque chose tout en évitant l’écueil d’une stricte définition. Qui plus est, la parabole est aussi un signe de confiance et de liberté car elle convoque l’intelligence et appelle l’interprétation.

« Le royaume des cieux est semblable à un homme semant de la belle semence dans son champ. » (Mt 13, 24)
Réalisé par Ridley Scott et sorti en 2005, le film Kingdom of Heaven raconte l'histoire d'un chevalier au cours de la Troisième croisade. Mais ce qui nous interpelle, c'est juste le titre du film. Au Québec, il est sorti sous le titre « Royaume des cieux »... expression-phare de Jésus, notamment employée dans cette parabole du bon grain et de la zizanie.

Petit sommaire en accéléré

Schématiquement, cette parabole met en scène l’histoire suivante :

  • De jour, un homme sème de la belle semence dans le champ qui lui appartient. Il est « le maître de la maison ». On devine que ce personnage fait référence à Dieu, maître du monde et créateur de l’univers pour les croyants.
  • De nuit, un ennemi sème de la zizanie puis repart. Autrement dit, il ruine le travail préalable en un introduisant un poison à retardement. Il singe le maître de maison en semant lui aussi… mais en introduisant sournoisement des mines afin de torpiller le travail du propriétaire. Qui plus est, tout ceci a lieu de nuit : il est donc caché, il ne mène pas son opération au grand jour, il opère lâchement. Bref, il vient saper une oeuvre bonne pour la pervertir. On peut interpréter cet « ennemi » comme l’image du diable.
  • Au moment du printemps, les zizanies poussent au grand jour et se dévoilent. Les serviteurs du maître de maison constatent alors la présence de cette ivraie. Mais il est impensable que le maître de maison ait lui-même semé l’ivraie. La survenue de l’ivraie est une anomalie et un scandale.
« Seigneur n’est-ce pas de la belle semence que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il a des zizanies ? » (Mt 13, 27)
Léon Augustin Lhermitte (1844-1925) Les moissonneurs (vers 1885, pastel sur papier, 34 x 45 cm), localisation inconnue. Domaine public.

Jésus explique lui-même sa parabole

Finalement, de cette parabole, on peut retenir 5 choses (comme les 5 doigts de la main)  :

  • Le mal est toujours second par rapport à Dieu et à son œuvre. L’ennemi vient saper quelque chose de pré-existant… puis il s’en va, car le champ n’est pas le sien.
  • En dernière instance, il revient à Dieu seul de « faire le tri » entre le bon grain et l’ivraie… au moment de la moisson, c’est-à-dire au moment du Jugement, dans le temps que Lui a fixé.
  • Le maître de maison tolère pour un temps le mélange entre le bon et le mauvais. Il n’exige pas d’éradiquer l’ivraie… parce que cela risquerait de tuer aussi du bon grain.
  • Le conseil de ne pas arracher l’ivraie signale une confiance de fond : l’ivraie n’est pas en mesure de faire disparaître intégralement le bon grain. Autrement dit : quand bien même le mal grandit, le bien ne disparaît pas.
  • Enfin, un jour viendra le jugement pour distinguer et séparer… L’ivraie sera détruite par le feu tandis que le bon grain rejoindra le « grenier » du maître de maison — i.e. le paradis auprès du proprio, sans doute…

Enfin, rareté et sommet de ce passage... Jésus interprète lui-même sa propre parabole (à la fin du passage, en Mt 13, 36-43).

Fra Angelico (ca 1395-1455), panneau central du Triptyque du Jugement dernier (1448, tempera sur panneau, 55 x 39 cm), Palais Corsini, Rome (Italie). Domaine public.

Le mot de la fin

Le maître de maison sème chaque jour et l’ennemi sème la zizanie chaque nuit. C’est dans cette veine que Georges Bernanos développe ce célèbre passage de son roman Journal d’un curé de campagne.

« J’avais jadis — je vous parle de mon ancienne paroisse — une sacristaine épatante, une bonne sœur de Bruges sécularisée en 1908, un brave cœur. Les huit premiers jours, astique que j’astique, la maison du bon Dieu s’était mise à reluire comme un parloir de couvent, je ne la reconnaissais plus, parole d’honneur ! [...] Chaque matin, bien entendu, elle trouvait une nouvelle couche de poussière sur les bancs, un ou deux champignons tout neufs sur le tapis de chœur, et des toiles d’araignées — ah, mon petit ! des toiles d’araignées de quoi faire un trousseau de mariée. [...]

La malheureuse passait ses nuits à quatre pattes entre son seau et sa vassingue — arrose que j’arrose — tellement que la mousse commençait de grimper l’herbe poussait dans les joints des dalles. Pas moyen de la raisonner, la bonne sœur ! Si je l’avais écoutée, j’aurais fichu tout mon monde à la porte pour que le bon Dieu ait les pieds au sec, voyez-vous ça ? Je lui disais : « Vous me ruinerez en potions, » — car elle toussait, pauvre vieille ! Elle a fini par se mettre au lit avec une crise de rhumatisme articulaire, le cœur a flanché et plouf ! voilà ma bonne sœur devant saint Pierre. En un sens, c’est une martyre, on ne peut pas soutenir le contraire.

Son tort, ça n’a pas été de combattre la saleté, bien sûr, mais d’avoir voulu l’anéantir, comme si c’était possible. Une paroisse, c’est sale, forcément. Une chrétienté, c’est encore plus sale. Attendez le grand jour du Jugement, vous verrez ce que les anges auront à retirer des plus saints monastères, par pelletées — quelle vidange ! Alors, mon petit, ça prouve que l’Église doit être une solide ménagère, solide et raisonnable. Ma bonne sœur n’était pas une vraie femme de ménage ; une vraie femme de ménage sait qu’une maison n’est pas un reliquaire. Tout ça, ce sont des idées de poète. »

Georges Bernanos (1888-1948), Journal d’un curé de campagne, Paris, Plon, 1936.

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Questions Fréquentes

Que veut dire « semer la zizanie » ?

L’expression vient directement de la parabole de la zizanie (aussi nommée "du bon grain et de l'ivraie") racontée par Jésus (Matthieu 13). Au sens biblique, « semer la zizanie », c’est introduire le désordre ou la discorde dans une œuvre bonne. Au sens littéral, cela renvoie à un ennemi qui sème de mauvaises herbes (l’ivraie) dans le champ du maître. Le zizaneur est donc un saboteur.

Quelle est la signification de la parabole du bon grain et de la zizanie ?

Cette parabole enseigne que le bien et le mal coexistent dans le monde jusqu’au temps du jugement. Dieu laisse croître ensemble le blé et l’ivraie pour éviter de détruire le bon avec le mauvais. En clair : Dieu fait confiance au temps et à la croissance du bien.

Pourquoi PRIXM parle-t-il du film La Zizanie et d’Astérix ?

Parce que ces références populaires illustrent à merveille l’esprit de la parabole : dans le film comme dans la BD, la discorde sème le chaos parmi les hommes. PRIXM aime montrer que l’Évangile traverse aussi notre culture — de Jésus à Louis de Funès, il n’y a qu’un clin d’œil !

Qui est l’ennemi qui sème la zizanie dans le champ ?

Dans l’explication donnée par Jésus lui-même, l’ennemi, c’est le diable. Il imite le semeur, mais pour pervertir l’œuvre de Dieu. Le mal n’a pas de substance propre : il parasite le bien. Cette idée rejoint la théologie chrétienne du mal comme contrefaçon, corruption, négation ou encore destruction du bien.

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