« Qui m’a touché ? » : Jésus et la femme hémorroïsse

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Que fait la femme hémorroïsse en voyant Jésus ? En quoi est-elle un exemple de foi ? Pourquoi Jésus insiste-t-il pour lui parler ?

4 minutes et 43 secondes avec Sam Cooke, James Tissot et Charles Péguy
Dernière mise à jour -  
14/11/2025

Sam Cooke et un peu de gospel pour parler de la femme hémorroïsse

Dans le morceau Touch the Hem of His Garment (en français : « Toucher l'ourlet de son vêtement »), le chanteur soul et gospel Sam Cooke parle d'une femme malade :

She said: if I could just touch the hem of his garment / I know I'll be made whole
Elle a dit : si je pouvais juste toucher l'ourlet de son vêtement / Je sais que je serai guérie

Euh, c’est quoi cette histoire ? De quoi parle-t-il ? En fait, Sam Cooke reprend presque mot pour mot un épisode des évangiles ! On vous explique ça aujourd’hui : direction l’évangile de Marc ! (« Maaaaaaarc »)

Le texte biblique qui raconte la guérison de la femme hémorroïsse

Jésus vient de se faire interpeller par un certain Jaïre qui le supplie de venir au chevet de sa fille gravement malade. Mais sur le chemin, la foule l'oppresse.

Jésus s’en alla avec Jaïre, et une foule nombreuse le suivait, qui le pressait de tous côtés.

Et une femme qui avait un flux de sang depuis douze ans et avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tous ses biens et n’en avait retiré aucun profit mais allait plutôt plus mal, ayant entendu parler de Jésus, vint dans la foule par derrière et toucha son vêtement, car elle disait :
— Si je touche seulement ses vêtements je serai sauvée.

Aussitôt, la source de son sang fut asséchée et elle connut en son corps qu’elle était guérie de son infirmité.

Et aussitôt Jésus, prenant connaissance en lui-même de la puissance qui était sortie de lui ; s’étant retourné vers la foule, disait :
— Qui a touché mes vêtements ?

Et ses disciples lui disaient :
— Tu vois la foule qui te presse et tu dis : “Qui m’a touché ?"

Et il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. Or la femme, saisie de peur et tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint et tomba devant lui et lui dit toute la vérité.

Il lui dit :
— Ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix et sois guérie de ton infirmité.

Évangile de Marc, chapitre 5 versets 24 à 34. Traduit du grec par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Le geste de foi de la femme hémorroïsse

École de Rembrandt (1606-1669), La guérison par Jésus de la femme souffrant d'une hémorragie (XVIIème, huile sur panneau de bois, 74 x 99 cm), Collection inconnue. Domaine public.

Double récit et curieuse rencontre

Un peu de contexte : Jésus vient de faire la rencontre d’un chef de synagogue nommé Jaïre, qui le supplie de guérir sa fille mourante. Jésus ne discute pas et le suit directement : il y a urgence !

Mais l'évangéliste marque une pause. Un nouveau personnage apparaît : une femme. On ne connaît pas son nom, contrairement à Jaïre dont on connaît et le nom et le métier. Pourtant, les détails concernant son état ne manquent pas.

  • Elle est souffrante depuis longtemps : « une femme qui avait un flux de sang depuis douze ans… » (Mc 5, 25)
  • Elle a tout tenté pour être guérie : « …et avait beaucoup souffert du fait des nombreux de médecins » (Mc 5, 26)
  • Elle est ruinée : « …et avait dépensé tous ses biens » (Mc 5, 26)
  • Pire, son état se dégrade : « et n'en avait retiré aucun profit mais allait plutôt mal » (Mc 5, 26)

Bref, cette femme semble a priori dans une situation désespérée, elle va de mal en pis. Qui plus est, sa situation l'exclut de la société :

  • Dans la religion juive, la femme qui a ses menstruations est considérée comme « impure » (Lv 15, 25). L'impureté est même considérée comme contagieuse — quelqu'un qui touche une personne impure devient également impur.
  • Quelqu'un d'impur ne peut pas s'approcher des lieux sacrés, notamment de la synagogue.
  • La femme a des écoulements de sang en permanence depuis douze ans. Elle est donc marginalisée et mise au banc de la société depuis tout ce temps !
Daniel Cariola, La Rencontre (2022, photographie personnelle), Chapelle Duc in Altum, Magdala (Israël).

Une foi chevillée au corps

La situation de la femme est donc a priori totalement désespérée. Mais il lui reste un espoir... car visiblement la réputation de Jésus le précède.

  • Après avoir entendu parler de Jésus, elle agit aussitôt. C'est la preuve d'une grande audace et d'une détermination absolue.
  • Le motif de son geste peut nous surprendre : elle croit que le simple fait de toucher son vêtement entraînera sa guérison immédiate : « si je touche seulement ses vêtements je serai sauvée » (Mc 5, 27). Pour info, dans la mentalité juive, le  vêtement est comme un prolongement du corps. Donc toucher ce vêtement revient à toucher le corps de Jésus.
  • Action-réaction, elle est immédiatement guérie : « Aussitôt, la source de son sang fut asséchée » (Mc  5, 29)

Cette femme fait donc confiance à quelqu'un à qui elle n'a jamais parlé. D'ailleurs, son attitude est aussi audacieuse et confiante que le miracle est surprenant et immédiat.

Artiste inconnu, La guérison de la femme hémorroïsse (IVeme siècle, peinture murale, 62 x 54 cm), Catacombes de Saints Marcellinus et Pierre, Rome (Italie), Domaine public.

« Qui m'a touché ? »

La femme est guérie... Mais Jésus remarque toute suite que quelque chose s'est passé ! En fait, toute la scène est marquée par la soudaineté et l'immédiateté.

  • La femme est guérie : elle le sent et le sait aussitôt : « Aussitôt, la source de son sang fut asséché et elle connut en son corps qu'elle était guérie » (Mc 5, 29)
  • De même, Jésus sent et sait aussitôt que quelque chose vient de se passer : « Et aussitôt Jésus, prenant connaissance en lui-même de la puissance qui était sortie de lui... » (Mc 5, 30)

La répétition de l'adverbe « aussitôt » donne le ton : la réaction de la femme et celle de Jésus sont simultanées ! Mais comment Jésus peut-il remarquer ça ?

La situation est très étrange — presque comique ! Rappelons-le, la foule entoure Jésus et l'empêche même d'avancer : « et une foule nombreuse le suivait, le pressait de tous côtés » (Mc 5, 24), tout le monde le touche...

« Qui a touché mes vêtements ? » (Mc 5, 30)

Demander qui l'a touché... quand toute une foule le touche... c'est  presque absurde !! D'ailleurs, ses disciples le lui font bien remarquer : « tu vois la foule qui te presse » (Mc 5, 31). En plus, il y a urgence, la fille de Jaïre est mourante !

James Tissot (1836-1902), L'hémorroïsse, (ca 1886-1894, gouache sur papier vélin, 28 x 18 cm), Brooklyn Museum, New-York (États-Unis). Domaine public. Dissimulée par la foule, la femme est à peine visible. Les tableaux de notre éclairage montrent qu'à chaque fois cette femme s'abaisse pour ne toucher que le bas du vêtement de Jésus.

Une voleuse de miracle ?

Jésus persévère dans sa demande. Il veut savoir qui l'a touché !

  • Face à l'insistance de Jésus, la femme ne peut plus se cacher. Elle est d'ailleurs « saisie de peur et tremblante » (Mc 5, 33)
  • Puis, ayant la certitude d'être guérie, la femme se prosterne aux pieds de Jésus et avoue tout : « sachant ce qui lui est arrivé, elle vint et tomba devant lui et lui dit toute la vérité » (Mc 5, 33). Rappelons-le, elle agit devant une foule entière !

Désormais, peut-elle repartir sans rien dire ? Serait-elle une « voleuse » de miracle ? En fait, Jésus s'arrête et veut s'adresser à elle personnellement. Autrement dit, Jésus veut créer un espace de dialogue : il ne laisse pas la femme « prendre » son miracle et s'en aller sans crier gare…

  • « Ta foi t'a sauvée » (Mc 5, 34) : de quelle foi parle-t-on ? Est-ce seulement sa confiance dans le fait de toucher le vêtement de Jésus ? Ou bien la foi qui avoue « toute la vérité » ?
  • « Va en paix et sois guérie » (Mc 5, 34) : euh… n’était-elle pas déjà guérie ? Pourquoi Jésus dit-il cela ? Peut-être qu’il dit ici qu’elle n'a plus à être honteuse et à se cacher. En se montrant publiquement aux yeux de tous, elle est comme réintégrée dans la société — de laquelle elle était exclue depuis douze ans !

Finalement, ce récit parle d’abord de foi : c'est la femme qui provoque le miracle. Et la voilà révélée au grand jour, elle qui était marginalisée ! Elle n'est donc pas seulement guérie physiquement : en une phrase, Jésus la rétablit en lui offrant la paix et une réintégration dans la société.

Enfin, ce curieux miracle montre la puissance du corps de Jésus. Le simple fait de le toucher suffit ! Même à son insu, Jésus guérit cette femme qui le touche subrepticement. Toucher Jésus, ne serait-ce pas aussi toucher Dieu ?

George Henry Harlow (1787-1819), La vertu de la foi (1817, huile sur toile, dimensions inconnues), Musée d'Art, Indianapolis (États-Unis). Domaine public.

Le mot de la fin (PEGI 3)

Laissons la parole à Charles Péguy qui décrit la confiance en Dieu et le mystère du miracle dans ces quelques vers.

« Singulier mystère, le plus mystérieux,
Dieu a pris les devants.
Ou plutôt ce n’est pas un mystère, propre, ce n’est pas un mystère particulier, c’est un mystère qui porte sur tous les mystères.

C’est un redoublement, c’est un agrandissement à l’infini de tous les mystères.

C’est un miracle. Un miracle perpétuel, un miracle d’avance, Dieu a pris les devants, un mystère de tous les mystères, Dieu a commencé.
Un miracle de tous les mystères, singulier, mystérieux retournement de tous les mystères.

Tous les sentiments, tous les mouvements que nous devons avoir pour Dieu,
Dieu les a eus pour nous, il a commencé de les avoir pour nous.
Singulier retournement qui court au long de tous les mystères,
Et les redouble, et les agrandit à l’infini,
Il faut avoir confiance en Dieu, mon enfant, il a bien eu confiance en nous. [...]

C’est Dieu qui nous a fait crédit, qui nous a fait confiance.
Qui nous a fait créance, qui a eu foi en nous. »

Charles Péguy (1873-1914), Œuvres complètes, vol. 5, Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, Paris, Gallimard, Nouvelle Revue Française, 1918, p. 362

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Questions Fréquentes

Qui est la femme hémorroïsse dans l’Évangile ?

La femme hémorroïsse est une femme malade depuis douze ans, atteinte d’un flux de sang permanent. Selon la Loi juive, sa maladie la met à l'écart : elle est considérée comme impure.

Marginalisée, ruinée par des médecins inutiles (peut-être charlatans?), mais habitée d’une foi immense, elle croit que toucher le vêtement de Jésus suffira à la guérir — et c’est ce qui se produit instantanément.

Pourquoi la femme hémorroïsse veut-elle toucher seulement le vêtement de Jésus ?

Parce qu’elle croit en Jésus depuis qu'elle a entendu parler de lui. Elle a la foi. Peut-être qu'elle croit que la puissance de Dieu agit à travers lui.

Dans la culture juive, le vêtement est comme le prolongement du corps. Toucher l’ourlet du vêtement de Jésus, c’est toucher sa présence même. Son geste est discret, audacieux, et révèle une foi incarnée : elle agit, sans dire un mot.

Pourquoi Jésus demande-t-il « Qui m’a touché ? »

Alors qu’il est entouré d’une foule compacte, Jésus ressent qu’une force est sortie de lui. Sa question n’est pas une réprimande, mais une invitation : il veut rencontrer celle qui a cru. Il refuse que la guérison reste anonyme : le miracle n’est complet que lorsqu’il y a rencontre et parole. Ainsi, il la restaure socialement après l'avoir guérie physiquement.

Quel est le message spirituel de ce miracle ?

Cette scène parle de foi active : la femme ne demande pas, elle agit. Elle ose approcher Jésus malgré les interdits. Ce miracle enseigne que Dieu se laisse toucher — littéralement. Même dans le secret ou la peur, la foi peut arracher la grâce, non comme un vol, mais comme une confiance absolue.

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