Que symbolise Jérusalem dans la Bible ? En quoi est-ce un centre géographique et théologique ? Qu’en dit l’évangile de Luc ?
Un chanteur ceinture noire de judo…
Dans son morceau Jerusalem sorti en 1986, le groupe allemand Alphaville entremêle la prière et la chanson d’amour :
To Jerusalem, we pray / Let's take love to Jerusalem
Nous prions pour Jérusalem / Emmenons l'amour à Jérusalem
Vous nous voyez venir… Jérusalem, c’est LA ville biblique par excellence, celle qui traverse l’Ancien et le Nouveau Testament, celle qui réunit les rois et les prêtres, les crimes et les martyrs, la mort et la vie.
Aujourd’hui, penchons-nous spécialement sur Jérusalem dans l’évangile de Luc.
Découvrez les derniers versets de l’évangile de Luc. Jésus parle ici aux disciples d’Emmaüs qui viennent de le reconnaître et aux apôtres. Alors, que se passe-t-il à la toute fin de l’évangile ?
Il les emmena jusque vers Béthanie et, levant ses mains, il les bénit. Il advint, comme il les bénissait, qu’il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Et eux, s’étant prosternés devant lui, retournèrent à Jérusalem en grande joie. Et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu.
Que se passe-t-il à Jérusalem dans la Bible ? Et pourquoi l’évangéliste Luc, en particulier, en fait-il le lieu le plus fondamental de son récit ?
Commençons par une simple remarque statistique : l’évangile de Luc parle deux fois plus de Jérusalem que les autres évangiles. C’est factuel et implacable. Le mot « Jérusalem » apparaît explicitement :
En plus de faire plaisir aux statisticiens de nos lecteurs, cette différence indique surtout l’importance capitale (sic) que l’évangile de Luc accorde à la ville de Jérusalem. Pourtant, les 4 évangiles racontent globalement l’histoire du même homme (Jésus).
Alors, pourquoi Luc parle-t-il si souvent de Jérusalem ? Voilà la question de notre éclairage aujourd’hui !
Avant d’entrer dans le vif de l’analyse, faisons quelques rappels :
Bref, Jérusalem est tout sauf une ville secondaire dans la Bible, et tout particulièrement dans les évangiles… et tout particulièrement dans l’évangile de Luc.
Ok d’accord, mais ça ne nous explique toujours pas pourquoi Luc parle autant de cette ville. Alors ?
Maintenant qu’on a posé les bases, allons plus loin.
En fait, Luc réalise une sorte de sur-focalisation sur Jérusalem… parce que c’est le lieu saint par excellence, le lieu où se déroule le triple mystère qui fonde la foi chrétienne.
Mais ce n’est pas tout. Jérusalem n’est pas seulement un lieu géographique, c’est aussi et d’abord un lieu « théologique ». En effet, Jérusalem, c'est :
Bref, Jérusalem est entourée d’un halo glorieux tout particulier dans l’Écriture. Symboliquement, elle est ainsi considérée comme une métropole spirituelle pour l’humanité.
Finalement, Jérusalem est le centre géographique autour duquel se construit l’ensemble de l’évangile de Luc. Les événements essentiels gravitent tous autour de cette ville sainte et royale.
Pour bien souligner cela, Luc sculpte son évangile pour en faire un bijou avec un détail exceptionnel ! Car pour savourer un livre, il faut parfois relire attentivement la première et la dernière page…
Ce détail génial montre que, dans la trame narrative que construit Luc, Jérusalem est le point-pivot de toute l’histoire.
Pour conclure, on vous emmène dans le cimetière juif du Mont des Oliviers, sur le flanc est de la vieille ville de Jérusalem :
« Nous nous rendons d’abord au cimetière juif, le plus vieux du monde. Partout gisent des coffres de pierres taillées qui, au lieu d’être enfouis sous terre, sont alignés à même le sol sableux ; sur les couvercles, les familles ont déposé des cailloux, jamais des fleurs. Rien ne bouge. C’est un cimetière sans vie. Cent cinquante mille sépultures. Depuis six mille ans. La mort à l’infini. Ce champ de tombes d’un beige uniforme grillé par le feu du soleil, réduit à l’unique dimension minérale, m’incite à visualiser les os qui s’y entassent. Selon Zacharie et la tradition hébraïque, ces morts ressusciteront et se relèveront en premier quand le Messie passera au mont des Oliviers avant d’entrer dans Jérusalem. Ici débutera la rédemption. »
Éric-Emmanuel Schmitt, Le défi de Jérusalem, Paris, Albin Michel, 2023, p. 121