Pourquoi Jonas refuse-t-il d’aller à Ninive ? Que fait Jonas une fois arrivé à Ninive ? Pourquoi prophétise-t-il la destruction de la ville ? En quoi peut-on dire que Jonas est un « anti-prophète » ?
La chanteuse franco-béninoise Angélique Kidjo, cinq fois lauréate des Grammy Awards, est connue pour la diversité de ses influences musicales et son engagement comme ambassadrice internationale de l'UNICEF. Elle a notamment chanté lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Tokyo le 23 juillet 2021 !
Parmi ses succès, on trouve le titre Ninive… Devant un tel titre, notre cerveau s’est allumé et on a aussitôt détecté la référence biblique ! Car Ninive, dans la Bible, c’est la ville vers laquelle le prophète Jonas est envoyé !
Alors, on met ses écouteurs, on monte le son à fond, on danse sur le rythme d'Angélique et on part à Ninive avec Jonas nous aussi !
Jonas est expulsé du ventre du gros poisson après avoir prié et reconnu l’action bienfaitrice de Dieu envers lui. Jonas est à peine libéré des entrailles de l’animal que Dieu s’adresse à lui aussitôt :
La parole de YHWH fut adressée une seconde fois à Jonas, disant :
— Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et proclame en ce lieu la prédication que je te dis.
Et Jonas se leva et alla à Ninive, selon la parole de YHWH, et Ninive était une grande ville devant Dieu, à trois journées de marche. Et Jonas commença à entrer dans la ville, à faire le chemin d’un jour, et il cria et dit :
— Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Les hommes de Ninive crurent en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, depuis le plus grand jusqu’au plus petit.
Et la nouvelle de cette parole parvint jusqu’au roi de Ninive. Il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre. Et il appela et dit dans Ninive, par décret du roi et de ses grands, ces paroles :
— Que ni hommes ni bêtes, ni bœufs ni brebis, ne goûtent d’aucune nourriture, ne paissent ni ne boivent d’eau. Qu’ils se couvrent de sacs, hommes et bêtes, qu’ils crient vers Dieu avec force, et qu’ils se détournent chacun de sa mauvaise voie et de la violence qui est dans leurs mains ! Qui sait si Dieu ne se ravisera pas, ne se repentira pas, et ne reviendra de l’ardeur de sa colère, et alors nous ne périrons pas.
Et Dieu vit leurs œuvres, car ils étaient revenus de leurs mauvaises voies et Dieu se repentit du mal qu’il avait dit qu’il leur ferait, et il ne le fit pas.
Dans notre premier épisode sur le Livre de Jonas, nous avions vu que le premier chapitre commençait par un appel de Dieu. Dieu charge Jonas d'un message urgent : se rendre à Ninive pour avertir ses habitants de la colère divine imminente due à leurs péchés.
« Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté est montée jusqu’à moi. » (Jon 1, 2)
Dans le texte que vous venez de lire, le chapitre 3 du Livre de Jonas, Dieu réitère sa demande et appelle Jonas une seconde fois :
« Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et proclame en ce lieu la prédication que je te dis. » (Jon 3, 2)
En fait, tout ce livre est construit selon une structure symétrique. Le troisième chapitre répond au premier car tous deux commencent par une même apostrophe de Dieu envers Jonas : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville. »
La grande différence, c’est que la seconde fois, Jonas accepte sa mission ! Autrement dit, le livre de Jonas met en évidence la figure d’un prophète qui :
Ainsi, le livre de Jonas s’apparente à une sorte de roman d’apprentissage, ou de conte philosophique : le héros évolue, revient sur ses choix et finalement grandit.
Très ironiquement, alors que Jonas ne voulait pas porter le message divin à Ninive, il se révèle être un prêcheur plus que convaincant ! Vous l’avez lu, les Ninivites le prennent très au sérieux ! Sa prédication est un véritable coup de tonnerre sur les habitants qui, en un verset, se convertissent :
« Et Jonas commença à entrer dans la ville [...] et il cria et dit :
— Encore quarante jours et Ninive sera renversée.
Les hommes de Ninive crurent en Dieu. » (Jon 3, 4-5).
On notera qu’en cinq mots est dépeinte la prophétie la plus courte de toutes les prophéties bibliques ! Jonas n’élabore aucun discours persuasif et convaincant, il en fait le moins possible... et pourtant, la réaction de la part des habitants est immédiate !
Étymologiquement, le mot convertir vient du latin convertere et signifie « se retourner ». Or, c’est précisément ce qu’il se passe ! Toute la ville est retournée, même le roi en vient à quitter ses fourrures :
« Il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre. » (Jon 3, 6)
Dans la Bible, l’action de se couvrir d’un sac représente le signe du deuil, du jeûne et du repentir. Pour les plus attentifs, la mention de la « cendre » dans ce verset est utilisée dans la liturgie catholique pour l’entrée dans le Carême (40 jours avant Pâques) lors du Mercredi des cendres.
Le livre de Jonas se révèle donc plein d’humour et d'ironie. On peut relever cela en s'appuyant sur trois points :
Finalement, le prophète Jonas apparaît bel et bien comme un anti-prophète !
Car Jonas ne remplit sa mission de prophète que pour l’annuler. En prophétisant la destruction de la ville de Ninive, il l’annule... car les habitants se repentent et Dieu revient sur sa décision. Car Dieu peut changer d’avis devant l’action des hommes, tout comme il a déjà fait pour Abraham lors d’une prière d’intercession.
La semaine prochaine, on terminera notre chemin à travers le livre de Jonas avec un dernier numéro !
Le poète et dramaturge Jacques de Coras utilise l'histoire biblique de Jonas et de la ville de Ninive pour parler de justice et de repentance. On vous laisse savourer ce texte... dans sa version originale en vieux français !
Chacun, alors, du ciel remarque la colére,
Dans le mal de la soeur et dans la mort du frére,
Et déja se prépare auec vn coeur contrit,
Au jeûne humble et deuot, qui vient d'estre prescrit.
Déja de tous costez ce jeûne se publie,
Et l'ordonnance en est en ces mots establie,
Qu'à la vix du héraut, par le ciel suscité,
Les nombreux habitans de la vaste cité,
Pour détourner le fleau déja prest à descendre,
Se couurent humblement du sac et de la cendre,
Que le peuple préuienne vn tragique malheur,
Conceuant de son crime vne viue douleur,
Qu'il suiue la vertu, qu'il abhorre le vice,
Et que, du mal au bien, chacun se conuertisse ;
Afin que l'eternel, par ce zéle, adoucy,
De la peine au pardon, se conuertisse aussi.
Jacques de Coras (1625-1677), Jonas ou Ninive pénitente. Poème sacré (1663)
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