Que signifie le Psaume 8 ? Comment se remplir de gratitude ? Comment Dieu fait-il attention à nous ?
En 1977, Elvis "The King" Presley chante How Great Thou Art… magnifique hymne à la grandeur de Dieu.
À vrai dire, il ne s’est pas foulé pour les lyrics... il a tout bonnement repris et reformulé les paroles du Psaume 8 !
Comme quoi, parfois il suffit de mettre en musique un truc sublime (lequel truc est précisément fait pour être mis en musique, d’ailleurs). Allez, direction le Livre des Psaumes pour découvrir tout ça !
Un psaume, c’est facile à lire et c’est poétique. Bref, régalez-vous !
Nota bene : pour les connaisseurs... notez qu'on vous propose ici une traduction inédite et originale, issue des travaux menés par l'École Biblique de Jérusalem dans le cadre du projet La Bible en ses Traductions. Voilà, bonne lecture !
Au maître de chœur, sur la Guittite. Psaume de David.
YHWH, notre Seigneur, que ton nom est magnifique dans toute la terre !
Que je serve donc ta majesté par-dessus les cieux
plus que la bouche des enfants et de ceux qui sont allaités ! 
Tu as établi la force à cause de tes adversaires
pour arrêter l’ennemi et celui qui se venge.
Car je vois tes cieux, œuvres de tes doigts, 
la lune et les étoiles que tu as fixées, 
qu'est-ce qu'un homme car tu t’en souviens
et un fils d’humain car tu le visites ?
Et tu lui fais manquer de peu d’être du nombre des dieux
et de gloire et de splendeur tu le couronnes.
Tu le fais dominer parmi les œuvres de tes mains,
tu as tout mis sous ses pieds :
petit bétail et gros bestiaux, eux tous
et même les bêtes du champ,
oiseau des cieux et poissons de la mer
et ce qui passe par les routes des mers.
YHWH, notre Seigneur, que ton nom est magnifique dans toute la terre !
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Voilà 10 petits versets. C’est peu, c’est très ramassé… et pourtant c’est teeeeeellement riche et tellement dense !!!! Pour vous dire, on a carrément dû faire des choix et laisser de côté certains développements... Bon, entrons dans l’analyse !
Pour rappel, un psaume, c’est une courte prière poétique versifiée, destinée à être mise en musique. Une fois qu’on sait ça, on comprend mieux le premier verset un peu bizarre : « Au maître de chœur, sur la guittite. Psaume de David. » (Ps 8,1). On ne sait pas bien ce que c’est exactement… mais la guittite est un instrument de musique (à cordes, probablement).
En fait, ce psaume est ce qu’on appelle un « hymne de louange », c’est-à-dire une prière qui célèbre (en chantant) la bonté, la beauté et la grandeur de Dieu. En l’occurrence, l’émotion qui motive cette prière, c’est l’émerveillement à l’égard de Dieu.
D’ailleurs, on remarque aisément que cette prière est adressée à Dieu, car la deuxième personne du singulier est omniprésente. Bref, le psalmiste parle à Dieu (c’est un peu la définition de la prière, cela étant).
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Si on lit attentivement ce psaume 8, on remarque assez vite une figure de style soigneusement travaillée… Eh oui, le verset d’introduction et le verset de conclusion sont les mêmes !
Dans le jargon technique de nos amis biblistes, on appelle ça une inclusion. À quoi ça sert ? Eh bien 2 choses :
Dans le cas du psaume 8, le verset qui se répète souligne la grandeur et l’importance du « nom » de Dieu. Or, dans la Bible, le nom n’est pas seulement un son ou une suite de lettre. C’est une puissance de convocation. Bref, le nom est intimement lié à celui qui le porte. On peut d’ailleurs montrer cette importance avec deux exemples :
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Revenons à notre cher Psaume 8 et analysons tout particulièrement ces deux versets (dans la traduction du chanoine Crampon cette fois) :
« Quand je contemple tes cieux, l’œuvre de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as créées... Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme pour que tu en prennes soin ? » (Ps 8, 4-5)
À l’occasion d’une expérience de contemplation devant le ciel, la lune et les étoiles (reconnus comme des œuvres de Dieu), le psalmiste éprouve un sentiment complexe : il prend conscience qu’il est minuscule... et s’interroge sur la relation que Dieu établit avec l’humanité.
On peut interpréter cette double question comme le constat de l’évidente fragilité humaine. En effet, les êtres humains sont des mortels tout-petits dans l’immensité de l’univers… et des êtres qui vivent un infime instant, comme une étincelle bien fugace à l’échelle de l’histoire de l’univers. Dit autrement :
« YHWH, qu’est-ce que l’homme pour que tu le connaisses, le fils de l’homme, pour que tu en fasses cas ? L’homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme une ombre qui passe. » (Ps 144, 3-4)
On peut reformuler ces questions ainsi : pour quelle raison Dieu prête-t-il attention à mon existence, moi minuscule créature humaine au milieu de milliards d’autres êtres humains ? (sans compter les anciens qui nous ont précédé, les animaux ou encore l’ensemble de la création… la liste est longue !)...
Bref, l’étonnement du psalmiste porte sur la relation personnelle que le Dieu créateur porte à l’égard de l’humanité. Car cette relation personnelle (d’aucuns diraient, cet amour) est une pure grâce (un don gratuit)... donc elle suscite, en retour, un immense élan de gratitude envers Dieu.
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« Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme pour que tu en prennes soin ? » (Ps 8, 5)
Dans cette question tremblante qui résonne au cœur (et pile au milieu) du Psaume 8… on peut lire un sentiment complexe qui réunit l’étonnement, l’humilité et la gratitude.
Bonus final : en contemplant « le ciel, la lune et les étoiles »… et en rappelant que tout cela est l’œuvre de Dieu, le psalmiste dé-divinise le ciel, la lune et les étoiles. Pour l’époque (à l’Antiquité), dans le contexte polythéiste ambiant, c’est une révolution !
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Impossible de terminer ce numéro sans citer le polymathe (mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et, bien sûr, théologien) qui a fait de la méditation sur la misère et la grandeur de l’homme l’un de ses sujets de prédilection : Blaise Pascal. On devine la référence au Psaume 8 en trame de fond un peu partout…
« Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur : gloire et rebut de l’univers. »
Blaise Pascal (1623-1662), Pensées, fragment La double condition de l’homme. (Lafuma n°131 ; Brunschvicg n° 434)

Le Psaume 8 est un hymne de louange attribué à David. Il célèbre la grandeur de Dieu manifestée dans la création et s’émerveille de la place de l’être humain dans l’univers. Le psalmiste contemple le ciel, la lune et les étoiles, puis s’interroge :
« Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui ? »
C’est une prière d’émerveillement et d’humilité.
Le Psaume 8 exprime la double condition de l’homme : petit face à l’immensité de l’univers, mais élevé par Dieu à une grande dignité. Il rappelle que l’homme est créé à l’image de Dieu et reçoit la mission de gouverner la création avec respect. C’est un psaume sur la fragilité et la grandeur de l’humanité.
Elvis reprend dans cette chanson l’esprit du Psaume 8 : admiration et gratitude envers Dieu. How Great Thou Art (“Que tu es grand”) reformule la louange biblique en version gospel. C’est un parfait exemple de pont entre la Bible et la culture populaire — pile dans la veine PRIXM !
Parce qu’il utilise une figure littéraire appelée “inclusion” :
« Seigneur, notre Dieu, que ton nom est magnifique sur toute la terre ! »
Cette répétition encadre tout le poème et met en valeur son thème central : la gloire du nom de Dieu. Elle crée une structure circulaire, comme une prière qui commence et se clôt dans la louange.
Cette question exprime l’étonnement du croyant devant la grandeur de Dieu et la tendresse de son attention pour l’homme. Malgré sa petitesse, l’être humain est visité et aimé par Dieu. C’est une méditation sur la dignité de chaque personne.
Pascal s’inspire du Psaume 8 pour décrire la “double condition de l’homme” : à la fois misérable et grand, fragile et spirituel. Dans ses Pensées, il résume magnifiquement cette tension :
« Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, gloire et rebut de l’univers. »
Une méditation à la fois biblique, philosophique et existentielle.