La naissance de Jésus à Bethléem provoque la réaction d'Hérode qui massacre des enfants innocents. Comment Dieu peut-il laisser passer ça ? Pourquoi le mal ?
Dans un très grand navet, Double Zéro avec Eric et Ramzy, Edouard Baer incarne Le mâle, sorte de méchant absolu, lointain successeur d'Hérode… Il veut annihiler toute la capacité procréatrice de l'humanité pour être le seul homme au monde à pouvoir avoir des enfants. Forcément comme Le mâle est mauvais, il est aussi très laid (Doudou Baer est méconnaissable dans son costume)...
Hérode est le roi de Judée. Il a appris la naissance de Jésus, roi d'Israël. Lisons ce texte pour évoquer un thème sous-jacent : le mal.
Alors Hérode voyant que les mages s’étaient joués de lui entra dans une grande colère
et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire
depuis l’âge de deux ans et au-dessous
d’après le temps qu’il avait recherché des mages
Alors fut accompli l’oracle du prophète Jérémie disant :
Une voix a été entendue en Rama ̶ des plaintes et des cris lamentables
Rachel pleure ses enfants et elle n’a pas voulu être consolée parce qu’ils ne sont plus.
Hérode veut tuer tous les enfants de Bethléem pour être sûr d'anéantir Jésus. Ce massacre pose une question difficilement audible pour le croyant : comment se fait-il que la naissance de Jésus, Dieu fait homme, puisse s'accompagner de la mort de tant d'innocents ? Comment Celui qui est tout-puissant peut-il tolérer cela ?
Ce cri d'indignation devant la souffrance des enfants innocents qui monte dans le cœur de l'humanité, Fiodor Dostoïevski le place dans la bouche d'Ivan Karamazov :
« Les bourreaux souffriront en enfer, me diras-tu ? Mais à quoi sert ce châtiment puisque les enfants aussi ont eu leur enfer ? D’ailleurs, que vaut cette harmonie qui comporte un enfer ? Je veux le pardon, le baiser universel, la suppression de la souffrance. Et si la souffrance des enfants sert à parfaire la somme des douleurs nécessaires à l’acquisition de la vérité, j’affirme d’ores et déjà que cette vérité ne vaut pas un tel prix. Je ne veux pas que la mère pardonne au bourreau ; elle n’en a pas le droit. Qu’elle lui pardonne sa souffrance de mère, mais non ce qu’a souffert son enfant déchiré par les chiens. Quand bien même son fils pardonnerait, elle n’en aurait pas le droit. [...]
C’est par amour pour l’humanité que je ne veux pas de cette harmonie. Je préfère garder mes souffrances non rachetées et mon indignation persistante, même si j’avais tort ! D’ailleurs, on a surfait cette harmonie ; l’entrée coûte trop cher pour nous. J’aime mieux rendre mon billet d’entrée. En honnête homme, je suis même tenu à le rendre au plus tôt. C’est ce que je fais. Je ne refuse pas d’admettre Dieu, mais très respectueusement je lui rends mon billet. »
Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov (1877), Traduction H. Montgault, Paris, Gallimard, 1923
Dans la conférence « Le mal : un défi pour la philosophie et la théologie » qu'il donna à Lausanne en 1985, Paul Ricœur analyse le problème. Selon lui, toute la difficulté réside dans l'impossibilité de tenir ensemble, avec les seuls outils de la logique, les trois propositions suivantes :
En effet, si Dieu est tout-puissant et infiniment bon, pourquoi permettrait-il au mal de se manifester dans le monde et comment tolérer que des innocents — qui plus est des enfants — en souffrent ?
Ce paradoxe provoque une faille logique difficile à accepter pour l'intelligence. L'esprit humain crie sa détresse devant ces questions irrésolues, devant l'absence de solutions qui non seulement satisfassent l'intelligence mais aussi apaisent le cœur.
Dans un premier temps, il est honnête de reconnaître, avec Gabriel Marcel (cité par Jacques Blanchet, Le mal, Archambault, Paris, 2017) :
« Il n'y a pas exactement un problème du mal, qui impliquerait la possibilité d'une solution, mais un mystère du mal. »
Le mal n'est pas seulement un « problème » à résoudre théoriquement. Mais c'est une réalité que chacun rencontre : il peut au moins donner une réponse par sa propre existence.
« Face au mal, on accuse souvent sans agir. Que l’on cherche à le justifier ou que l’on désespère, il se multiplie ; que l’on vive malgré lui sans le justifier ni désespérer, il recule. »
Bertrand Vergely, Le silence de Dieu face aux malheurs du monde (2006), Presses de la Renaissance, Paris
On vous propose de suivre des cours aux Bernardins