L’horreur dans la Bible : une innocente violée, tuée et dépecée

No items found.

Quand la Bible parle du mal et de l’horreur, ça fait froid dans le dos. Que nous dit-elle sur la violence criminelle de l'humanité ? Quel lien entre l'innocente et Jésus ?

3 minutes et 26 secondes pour découvrir l'un des textes les plus affreux de l'Ancien Testament, avec Bob Dylan et Léonard de Vinci
Dernière mise à jour -  
15/2/2024

Quand Bob Dylan chante sur le thème du sacrifice d'Abraham


Tout comme la chanson de Bob Dylan, le texte biblique d'aujourd'hui est en lien avec le sacrifice d’Abraham — on vous en dit plus dans l'éclairage. Juste avant, découvrez ce qu'en dit l'artiste dans le premier couplet de Highway 61 Revisited.

Le texte le plus terrible de la Bible

Un homme est allé chercher sa femme dans la maison de son père à Bethléem. Sur le chemin du retour, ils s'arrêtent dans le village de Guibéa.

Et il entra et s’arrêta sur la place de la ville, et il n’y eut personne qui les reçut dans sa maison pour y passer la nuit. Et voici un vieillard revenait de son travail aux champs le soir — c'était un homme de la montagne d’Éphraïm qui habitait à Guibéa et les hommes du lieu étaient des Benjaminites. Et il leva les yeux et vit le voyageur sur la place de la ville et le vieillard dit :

— Où vas-tu et d’où viens-tu ?

Il lui répondit :

— Nous allons de Bethléem de Juda jusqu’à l’extrémité de la montagne d’Éphraïm d’où je suis. Et je suis allé à Bethléem de Juda et maintenant je vais à la maison du Seigneur et il n’y a personne qui me reçoive dans sa maison. Il y a pourtant de la paille et du fourrage pour nos ânes et aussi du pain et du vin pour moi, pour ta servante et pour le jeune homme qui est avec tes serviteurs — nous ne manquons de rien.

Le vieillard dit :

— La paix avec toi ! Seulement je pourvoirai à tous tes besoins, mais ne passe pas la nuit sur la place.

Il le fit entrer dans sa maison et il donna du fourrage aux ânes et ils se lavèrent les pieds puis ils mangèrent et burent. Pendant qu’ils réjouissaient leur cœur voici que des hommes de la ville — des fils de Bélial — entourèrent la maison et frappant à la porte ils dirent au vieillard, maître de la maison :

— Fais sortir l’homme qui est entré chez toi afin que nous le connaissions.

Et sortit le maître de la maison vers eux et leur dit :

— Non, mes frères, ne faites pas le mal je vous prie puisque cet homme est entré dans ma maison, ne commettez pas cette infamie. Voici ma fille — qui est vierge — et sa concubine : je vous les amènerai dehors, vous les humilierez et vous leur ferez ce qu'il vous plaira, mais ne commettez pas sur cet homme une action aussi infâme.

Ces gens ne voulurent pas l’écouter. Alors l’homme prit sa concubine et la leur amena dehors. Ils la connurent et ils abusèrent d’elle toute la nuit jusqu’au matin et ils la renvoyèrent au lever de l’aurore.

Et cette femme, le matin se levant, vint tomber à la porte de l’homme chez qui était son seigneur jusqu'au jour. Son seigneur se leva le matin et ouvrit la porte de la maison et sortit pour aller son chemin. Et voici que la femme, sa concubine, était étendue devant la porte de la maison les mains sur le seuil.

Il lui dit :

— Lève-toi et allons-nous-en.

Et personne ne répondit. Alors l'homme la mit sur son âne et partit pour aller dans sa demeure. Arrivé chez lui il prit un couteau, saisit sa concubine et la coupa membre par membre en douze morceaux et l’envoya dans tout le territoire d’Israël. Et il arriva que quiconque vit cela dit :

— Jamais chose pareille n'a eu lieu, ni ne s'est vue depuis le jour où les fils d’Israël montèrent du pays d’Égypte jusqu’à ce jour. Pensez-y, prenez conseil et parlez.

Chapitre 19, versets 15-30 du livre des Juges dans l'Ancien Testament. Traduit de l'hébreu par les équipes du programme de recherches La Bible En Ses Traditions

L'éclairage : une scène d'horreur dans la Bible

Ce récit est tout simplement abominable.

Une scène terrifiante mais porteuse de sens

Cette scène est juste horrible. Mais pour autant, si on en creuse la signification :

  • il n'est pas enfermé sur l'absurdité de la violence
  • et il fait signe vers d'autres passages bibliques.
gravure sombre corps femme ville
Gustave Doré (1832-1883), Le lévite d'Éphraïm emmène le corps de sa femme (gravure sur bois d'Héliodore Pisan pour La Bible de Tours, Mame, 1886).

Un récit pour mieux comprendre d'autres épisodes bibliques

Pour le lecteur attentif, ce récit recèle plusieurs indices qui le rattachent à d’autres épisodes majeurs de l’histoire biblique et :

  • La victime innocente de Juges 19, la concubine du lévite, vient de Bethléem de Juda ; on précise que c’est la maison de son père. Cet élément rappelle l’origine de Joseph, le père nourricier de Jésus, qui fut de la maison de David à Bethléem (Luc 2,4).
  • Elle est livrée à une mort épouvantable par son mari, qui se trouve être un lévite et qui a donc un rang sacerdotal (comme tous les membres de la tribu de Lévi). Ce seront également des personnes de rang sacerdotal qui livreront Jésus à Pilate et ainsi à la mort.
la cène douze repas jésus centre
Léonard de Vinci (1452-1519), La Cène (peinture murale, 1495) Couvent Santa Maria delle Grazie, Milan, Italie.
  • Son corps est dépecé en douze morceaux, envoyés aux douze tribus d’Israël. Comme le souligne le bibliste dominicain Philippe Lefebvre, cela fait de ce passage de l'Ancien Testament un des récits les plus proches de la « dernière Cène » de Jésus : avant sa Passion « il partage son corps et son sang avec ses disciples sous les espèces du pain et du vin. Douze quartiers pour douze disciples. »
  • Le couteau dont se sert le lévite pour découper sa femme est appelé ma’akelet en hébreu — qui signifie « la dévoreuse ». Ce terme est utilisé quatre fois dans l’Ancien Testament, dont deux fois pour le couteau avec lequel Abraham s’apprête à égorger son fils Isaac. L'utilisation de ce mot rapproche les deux textes et suggère l’ambiance d'un sacrifice devant Dieu.
Abraham sacrifice Isaac épée ange retenir bras Le Dominiquin
Le Dominiquin (1581-1641), Le sacrifice d'Isaac (huile sur toile, vers 1627), Musée du Prado, Madrid, Espagne.

En résumé : faire le lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament

Ce récit, lu dans la lumière de l'Ancien et du Nouveau Testament, s'ouvre au mystère de Jésus-Christ : l’innocente de Bethléem est livrée par un prêtre à des hommes qui abusent d’elle jusqu’à la tuer, et son corps est découpé en douze morceaux par un instrument « cultuel », comme pour en faire un sacrifice.

Ce que la Bible suggère ainsi énigmatiquement (ou « typologiquement »), c'est que seule la mort volontaire de l'Innocent parfait qu'est Jésus peut projeter un rayon de lumière dans les ténèbres criminelles où les hommes sont capables de tomber.

Le mot de la fin

Devant ce spectacle horrifiant, devant le mystère de la souffrance, on pourrait tenter de trouver une phrase réconfortante, une explication soutenable, mais nous préférons finir avec une phrase de Monseigneur Pierre Veuillot, archevêque de Paris en 1966-1968. Voici ce qu’il disait sur son lit de maladie à la fin de sa vie :

« Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j'en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n'en rien dire : nous ignorons ce qu'elle est. J'en ai pleuré. »

Monseigneur Pierre Veuillot

On vous propose de suivre des cours aux Bernardins

Envie de (re)découvrir les Écritures ?
Notre incroyable Newsletter
- Tous les dimanches à 15h
- Gratuit, drôle et intelligemment décalé
- 3 minutes de lecture
Merci ! Votre inscription a bien été prise en compte
Oups, un problème est suvenu, veuillez réessayer !

Nos vidéos en lien avec le sujet

No items found.

Plongez dans ces Sagas

En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de “cookies” destinés à améliorer la performance de ce site, à en adapter les fonctionnalités.