Qui a tué Jésus ? Non, on ne peut pas dire que les Juifs, souvent qualifiés de peuple déicide, soient responsables de sa mort. Enquête !
Dans la Passion selon Saint Matthieu de Bach, le procès de Jésus commence par une mise en tension musicale qui amène l’auditeur au cœur de l’action.
Nous vous proposons de suivre la Passion du Christ pas à pas dans l'Évangile de Matthieu. Après le baiser de Judas et son arrestation, Jésus est interrogé par les grands prêtres :
Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le grand prêtre où se réunirent les scribes et les anciens. Or Pierre le suivait de loin jusqu’au palais du grand prêtre et étant entré à l'intérieur, il était assis avec les servants pour voir la fin. Les grands prêtres et tout le Sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n’en trouvèrent pas alors que beaucoup de faux témoins s'étaient approchés.
Finalement vinrent deux faux témoins qui dirent :
— Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours.
Se levant le grand prêtre lui dit :
— Tu ne réponds rien ? De quoi ces hommes témoignent-ils contre toi ?
Mais Jésus gardait le silence et le grand prêtre lui dit :
— Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu.
Jésus lui dit :
— Toi tu l’as dit. Cependant je vous dis : Désormais vous verrez le fils de l’homme assis à la droite de la puissance et venant sur les nuées du ciel.
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, disant :
— Il a blasphémé. Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Voici que vous avez entendu maintenant le blasphème. Que pensez-vous ?
Et eux, répondant, dirent :
— Il mérite la mort.
Le peuple juif a longtemps été stigmatisé et même persécuté, en tant que peuple « déicide », littéralement : le peuple « qui-a-tué-Dieu ».
Cette appellation répond à une accusation classique : les juifs auraient tué Jésus, Dieu fait homme. Peut-on l’affirmer ?
Étymologiquement, Christ vient du mot grec Christos qui lui-même vient de l'hébreu MaShiaH, Messie. En gros Christ = Messie.
Quand on parle de Jésus-Christ, on parle donc de celui qui est reconnu par ses disciples comme le Messie d’Israël. Or le premier cercle de Jésus est juif dans sa quasi-totalité.
=> Première conclusion : de nombreux Juifs ont reconnu Jésus comme le Messie, on ne peut donc pas les soupçonner d’avoir participé à sa mort.
D’autres Juifs ne l’ont pas reconnu comme le Messie : parmi eux, certains ont participé à sa mise à mort, d’autres non.
=> Deuxième conclusion : tout le peuple juif n’a pas participé à la mise à mort de Jésus. Il est absurde de lui en attribuer la responsabilité totale alors qu’elle n’est le fait que de certains responsables politico-religieux du peuple à ce moment-là de l’histoire.
Enfin, dans le mode d'exécution de Jésus, c’est Pilate, le gouverneur romain, qui avait le dernier mot.
=> Troisième conclusion : la puissance romaine a donc la responsabilité ultime. Les textes du Nouveau Testament sont très clairs sur ce sujet. Un éclairage historique le confirme : le supplice de mise à mort pratiqué par les juifs étaient la lapidation plutôt que la crucifixion.
Tout cela a été rappelé maintes et maintes fois par Jean-Marie Aaron Lustiger, né dans une famille juive, il reconnut en Jésus le Messie d'Israël à l'adolescence et fut baptisé dans l’Église catholique. Il devient ensuite archevêque de Paris, cardinal et membre de l'Académie Française. Au-delà de l'aspect polémique de cette question, il invite ceux qui croient à approfondir leur méditation :
« On ne cesse de dire que ce sont les Juifs, et non les païens qui ont crucifié le Messie. Mais ce n’est pas vrai. […]
On présente Pilate comme un gouverneur colonial qui aurait affaire à des indigènes et ne comprendrait rien à leurs histoires. Ce n’est pas vrai.
Le droit romain représentait la plus haute ambition de la rationalité et de la justice, et Pilate va commettre, dans les formes, un déni de justice absolu ; il en porte la responsabilité juridique, et ce sont les soldats de Rome qui ont crucifié Jésus.
Les païens se sont montrés pécheurs là où ils prétendaient être justes, tout comme les juifs ont méconnu Celui qu’ils avaient vocation de reconnaître. Ainsi en va-t-il dans l’histoire humaine remplie d’injustices et d’infidélités. […]
Autrement dit, quelqu’un qui prétendrait : je suis innocent de cette mort, ce sont les « autres » qui l’ont mis à mort, ne peut pas croire au Christ. C’est même une preuve qu’il ne croit pas. Car croire au Christ, c’est avoir le 'cœur brisé'. »
Jean-Marie Lustiger, entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton. Le choix de Dieu, Paris, Fallois, 1987
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