Pourquoi Jésus est-il comparé à un agneau condamné et sacrifié ?

Écoutez notre podcast en lien avec le sujet :

Quel est le lien entre Jésus et un agneau ? Est-ce parce que la foule demande à Pilate de livrer Jésus et de relâcher Barabbas ? Quel est le sens de la mort du Christ sur la croix ?

4 minutes et 59 secondes avec Rihanna, Benoît XVI et Bob Marley.
Dernière mise à jour -  
15/2/2024

« Redemption song » : une chanson douce qui mettra tout le monde d'accord


La condamnation du Christ par le peuple de Jérusalem n'ouvre pas à la malédiction mais à la rédemption.

Avant d'aborder le sujet du sacrifice du Christ, offrons-nous d'abord un peu de douceur en écoutant Redemption Song de Bob Marley, ou — puisque les interprètes de ce morceau ne manquent pas — en découvrant la version du collectif Playing for Change.

**Enfin, si vous voulez écouter cet article à défaut de le lire, voici notre podcast sur ce sujet : Jésus, un agneau. Pourquoi pas un animal plus stylé ?

Le texte biblique qui raconte la condamnation de Jésus par Pilate

C’est la fête de Pâque à Jérusalem, et les grands prêtres viennent de livrer Jésus au gouverneur romain, Pilate, dans l’espoir qu’il soit crucifié.

À chaque fête, le gouverneur avait coutume de relâcher au peuple un prisonnier, celui qu’ils voulaient. Il avait alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.

Comme ils étaient rassemblés, Pilate leur dit :
— Lequel voulez-vous que je vous relâche ? Barabbas ou Jésus qui est dit christ ?

Il savait que c’était par jalousie qu’ils l’avaient livré.

[...]

Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent le peuple de réclamer Barabbas et de faire supprimer Jésus.

Répondant encore, le gouverneur leur dit :
— Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ?

Mais eux dirent :
— Barabbas

Pilate leur dit :
— Que ferai-je donc de Jésus dit christ ?

Tous lui disent :
— Qu’il soit crucifié !

Le gouverneur leur rétorqua :
— Qu’a-t-il donc fait de mal ?

Mais eux de plus belle criaient en disant :
— Qu’il soit crucifié !

Alors Pilate, voyant que cela ne servait à rien — au contraire, le tumulte advint —prenant de l’eau se lava les mains en présence du peuple disant :
— Je suis innocent du sang de ce juste. À vous de voir.

Répondant tout le peuple dit :
— Son sang, sur nous et sur nos enfants !

Chapitre 27, versets 15 à 25 de l'Évangile selon saint Matthieu dans le Nouveau Testament. Traduit du texte latin par les équipes de notre programme de recherches La Bible en ses traditions.

Pourquoi Jésus est-il comparé à un agneau condamné et sacrifié ?

« Son sang, sur nous et sur nos enfants » (Mt 27, 25)

L'anti-judaïsme s'est beaucoup appuyé sur cette terrible phrase prononcée par une partie du peuple de Jérusalem lors du procès de Jésus. Pourtant, rapportée aux Écritures auxquelles elle fait allusion, la formule ne peut pas s’interpréter de façon univoque. On s'est donc dit qu'une explication s'imposait.

présentation Pilate Christ balcon palais drapés rouge couronne soldats foule Antonio Ciseri
Antonio Ciseri (1821-1891), Ecce homo (huile sur toile, 1860-1880), Galeria dell'Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence, Italie. © Domaine public.

Le sang de l'agneau et la Pâque juive

La condamnation du Christ eût lieu pendant la préparation de la Pâque juive, fête où le repas se composait d'agneau en mémoire du sang d'agneau qu'avaient versé les Hébreux sur leurs portes en Égypte, à la demande de Dieu, avant de pouvoir s'enfuir vers la Terre Promise. Vous n'avez rien compris ? Relisez l'histoire ici.

Bref, retenons que la Pâque juive célèbre la sortie des Hébreux hors d'Égypte — sortie rendue possible grâce au sang d'agneau qu'ils ont préalablement versé sur leurs portes, et qui les a ainsi préservés du massacre (c'est ce que raconte le chapitre 12 du Livre de l'Exode, aka Ex 12 si vous voulez lire ce récit).

Agneau pattes liées blanc couché cornes côté Franscisco de Zurbarán
Franscisco de Zurbarán (1598-1664), Agnus dei (huile sur toile, entre 1635 et 1640), Musée du Prado, Madrid, Espagne. Wikicommons © Domaine public.

La symbolique de l'agneau dans la Bible

Le corpus biblique et toute la tradition chrétienne présentent le Christ comme cet agneau pascal qui a versé son sang pour sauver l’humanité, comme le sang de l’agneau en Égypte avait préservé les Hébreux.

Voici 2 exemples :

  • Jean le baptiste (qui a baptisé Jésus dans le Jourdain et qui a donné le prénom Jean-Baptiste) parle ainsi du Christ qui arrive devant lui : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Évangile selon saint Jean, chapitre 1, verset 19.)
  • Saint Paul dans une lettre aux Corinthiens dira de Jésus : « Le Christ, notre agneau pascal, a été immolé ». (Première épître de Saint Paul aux Corinthiens, citée par Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Tertia Pars, Question 73, Article 6, Cerf, Paris, 1986.)
Agneau blanc pattes liées couché auréole Franscisco de Zurbarán
Francisco de Zurbarán (1598-1664), Agnus Dei (huile sur toile, 1635-1640), Musée d'art de San Diego, San Diego, Californie (États-Unis) Domaine public.


Vous aurez remarqué que dans cette nouvelle interprétation de l’Agneau de Dieu, l'artiste peint une auréole pour symboliser la sainteté de celui qui est sacrifié. Et ici, l’agneau figure le Christ.

Le sacrifice du Christ au cours de sa Passion

Le peuple de Jérusalem, qui célèbre la Pâque juive, réclame la mort de Jésus et dit à Pilate qui se lave les mains de ce crime :

« Son sang, sur nous et nos enfants. »

Que comprendre ? En répondant cela à Pilate, le peuple témoigne de sa conviction de la culpabilité de Jésus et de sa propre innocence. Si toutefois il s'était trompé, le peuple exprime le souhait que le châtiment que Jésus endure retombe sur lui. Dans les Écritures, de semblables expressions signifient, en effet, l’acceptation pleine et entière de la responsabilité.

Agneau de Dieu sacrifié pour sauver les hommes

Le peuple persuadé de la culpabilité de Jésus ne saisit pas le sens le plus profond de ses paroles : le sang de Jésus répandu pour la multitude en rémission des péchés pour sceller la nouvelle alliance est répandu pour eux et pour leurs enfants aussi !

Comme le sang de l'agneau versé en Égypte, le peuple fait verser un sang qui les sauvera. Ce qui est en apparence une malédiction est, pour celui qui connaît bien les Écritures, une phrase qui ouvre au salut, quand bien même l’instant est dramatique.

Pourquoi Jésus est-il mort sur la croix ?

1 - Se servir de cette phrase pour nourrir une propagande anti-juive, c’est donc confesser une ignorance de la lettre des Écritures et de l’ironie qui la traverse bien souvent, quel que soit le drame qu’elle relate.

2 - A la question Pourquoi le Christ est-il allé à la croix ? :

Galla Placidia traits lumière bleu croix Simon Hantaï
Simon Hantaï (1922-2008), À Galla Placidia (huile sur toile, 1958-1959), Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Paris, France.

Le mot de la fin

On ne saurait laisser le mot de la fin à plus éminente autorité. Lorsqu'il fût pape, Benoît XVI écrivit un ouvrage, Jésus de Nazareth, qu’il publia sous son nom d’auteur, Joseph Ratzinger, pour ne pas le revêtir d’une autorité pontificale mais le présenter comme un essai d’exégèse. Et autant vous le dire, c’est du niveau Ligue des Champions :

« Si, selon Matthieu, « tout le peuple » avait dit : ‘Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !’ (Mt 27,25), le chrétien doit se souvenir que le sang de Jésus parle un autre langage que celui d’Abel : il n’exige ni vengeance ni punition, mais il est réconciliation. Il n’est pas versé contre quelqu’un, mais c’est le sang répandu pour la multitude, pour tous. […] De même que c’est en fonction de la foi qu’il faut lire de manière complètement neuve l’affirmation de Caïphe sur la nécessité de la mort de Jésus, de même faut-il le faire à propos de la parole de Matthieu sur le sang : lue dans la perspective de la foi, elle signifie que nous tous nous avons besoin de la force purificatrice de l’amour, et cette force, c’est son sang. Ce n’est pas une malédiction, mais une rédemption, un salut. »

Joseph Ratzinger, Jésus de Nazareth, éd. Paroles et silence, Paris, 2014.

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