Découvrez le récit de la conversion de Paul ! Comment cela arrive-t-il ? En quoi cet épisode est-il fondateur ?
Dans leur titre Saint of me sorti en 1997, les Rolling Stones débutent leur chanson en retraçant la vie de Saint Paul :
Saint Paul the persecutor / Was a cruel and sinful man
Jesus hit him with a blinding light / And then his life began
En français : Saint Paul le persécuteur / était un homme cruel et pécheur
Jésus l'a frappé d'une lumière aveuglante / Et sa vie a commencé
C’est quoi cette histoire de lumière et de changement de vie ? Pour comprendre, direction les Actes des Apôtres !
Paul est en chemin vers Damas pour aller arrêter des disciples de Jésus qui se trouvent dans cette ville quand tout à coup…
Or il m’arriva, comme j’étais en chemin et que j’approchais de Damas, que tout à coup, vers midi, une vive lumière venant du ciel resplendit autour de moi. Je tombai sur le sol et j’entendis une voix me disant :
— Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?
Et moi, je répondis :
— Qui es-tu, Seigneur ?
Et il me dit :
— Moi, je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes.
Et ceux qui étaient avec moi virent la lumière mais n’entendirent pas la voix de celui qui me parlait. Et je dis :
— Que fais-je, Seigneur ?
Et le Seigneur me dit :
— Lève-toi, va à Damas et là, on te dira tout ce qu’il t’est prescrit de faire.
Et comme je ne voyais pas à cause de l’éclat de cette lumière, je vins à Damas conduit par la main par ceux qui étaient avec moi. Or un certain Ananie, homme pieux selon la loi, à qui tous les Juifs habitant la ville rendaient témoignage, étant venu vers moi et s’étant présenté à moi, me dit :
— Saul, mon frère, recouvre la vue.
Et moi au même instant je recouvrai la vue.
Et il dit :
— Le Dieu de nos pères t’a prédestiné à connaître sa volonté, à voir le Juste et à entendre la parole de sa bouche parce que pour lui tu seras témoin devant tous les hommes de ce que tu as vu et entendu. Et maintenant pourquoi t’attardes-tu ? Une fois levé, fais-toi baptiser et purifie tes péchés, ayant invoqué son nom.
Comme le chante ce bon vieux Mick Jagger, Paul est le principal persécuteur des disciples du Christ à Jérusalem. Il les arrête, les jette en prison et les oblige à renier leur foi. Il assiste d’ailleurs à la lapidation d’Étienne, caillassé jusqu’à la mort.
Mais un beau jour, tandis qu’il se rend à Damas (en Syrie actuelle), Saul (alias Paul) est soudainement saisi par une lumière éclatante qui le fait tomber à terre. Dans cette apparition, une voix résonne et l'interpelle. Elle ne passe pas par quatre chemins et pose aussitôt cette question :
« Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 22, 7)
Intrigué et surpris, Paul veut connaître l’identité de son interlocuteur. Remarquez que Saul ne répond pas à la question… mais pose lui aussi une question :
« Qui es-tu, Seigneur ? » (Ac 22, 8a)
Ici, l’emploi du mot « Seigneur » montre que Paul a conscience que son interlocuteur n’est pas n’importe qui puisque ce terme est couramment utilisé pour interpeller un homme puissant et respecté. Sommet de l’épisode, son mystérieux interlocuteur décline son identité :
« Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes. » (Ac 22, 8b)
Renversement de situation (c'est le cas de le dire) : Saul, persécuteur des disciples de Jésus, a une apparition...
Jésus vient donc à la rencontre d'un persécuteur de ses disciples… et il l’interroge. Mais la formulation de sa question est étonnante...
« Moi, je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes. » (Ac 22, 8)
Stricto sensu, Paul persécute les disciples de Jésus — et non Jésus lui-même. Alors, comment interpréter la parole de Jésus ? En fait, Jésus s'identifie à son Église et à chacun de ses membres. C'est d'ailleurs ce que Paul dira lui-même plus tard, dans sa lettre aux Colossiens :
« Il est la tête du corps, la tête de l’Église. » (Col 1, 18)
L’itinéraire de Paul est littéralement renversant — à tel point que tout commence par une chute ! L’histoire de la conversion de Paul montre que Dieu appelle qui il veut, sans distinction, y compris ses persécuteurs !
Dieu envoie ensuite Ananie guérir Paul, lui redonner la vue et lui donner sa lettre de mission. Bonus final (pour redire à quel point saint Luc est un auteur de génie) : les deux phrases d’Ananie se lisent en écho :
« Le Dieu de nos pères t’a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre la voix qui sort de sa bouche.
Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu. » (Ac 22, 14-15)
Au trio « connaître / voir / entendre » répond le trio « témoin / vu / entendu ». L’expérience de Paul devient ainsi le fondement de sa mission future : annoncer la Résurrection du Christ, c’est-à-dire la victoire définitive de la vie sur la mort.
Même s'il est seul à bénéficier de cette révélation qui le propulse à terre, Paul a besoin de l'aide de ses compagnons par la suite. Symboliquement, cela montre que Jésus veut agir par la médiation de l'Église.
Il fait participer son peuple, à l'image de sa « passe décisive » (digne des plus beaux caviars de Kevin De Bruyne à ses plus belles années) :
« Lève-toi, va à Damas et là, on te dira tout ce qu’il t’est prescrit de faire. » (Ac 22, 10)
Qui est ce « on » à qui Jésus semble se remettre ? On ne sait pas — mais on peut deviner... L'Esprit Saint ? La communauté chrétienne ? Sans doute les deux.
Enfin, signe le plus éclatant de la participation de l'Église tout au long de cet épisode : Paul reçoit finalement le baptême des mains d’Ananie, son guérisseur bienheureux.
Violent persécuteur des adeptes du Christ, Paul deviendra l’un des plus ardents porte-parole de la foi chrétienne. Son itinéraire renversant ne s’est donc pas fini sur le chemin Damas… il ne faisait que commencer !
Dans son poème Sur la conversion de Saint Paul, l’académicien et homme de lettres Antoine Godeau retrace poétiquement la bouleversante histoire de Paul :
Grâce, qui du grand Paul domptes l'esprit rebelle,
Que ce coup est fameux ! que ce triomphe est beau !
Et lui, d'un loup cruel, tu fais un doux agneau,
Et d'un fier adversaire, un apôtre fidèle.
La croix lui fit horreur, la croix lui semble belle,
L'ennemi de l'Église est son époux nouveau,
Il en fut la terreur, il en est le flambeau,
Il la voulait détruire, il veut mourir pour elle.
Par une heureuse chute il monte dans les cieux,
Une vive lumière en aveuglant ses yeux
De son coeur aveuglé chasse la nuit obscure.
Grâce, qui de tes dons le combles aujourd'hui,
Bientôt de tes faveurs tu recevras l'usure,
Il est vaincu par toi, mais tu vaincras par lui.
Antoine Godeau (1605-1672), « Sur la conversion de saint Paul », Poésies chrétiennes, Paris, 1646
