Découvrez la rencontre du prophète Élie avec la veuve de Sarepta ! Que risque la veuve ? Que fait Élie ?
Dans La Cinquième montagne, le bon vieux Paulo Coelho raconte l'histoire d'un certain Élie, un prophète qui dénonce l'idolâtrie et qui cherche à faire revenir le peuple d’Israël vers Dieu.
En fait, ce roman du plus célèbre auteur brésilien... s’inspire totalement de la Bible ! Alors avant d’aller fureter dans les rayons de la bibliothèque ou de la librairie la plus proche de chez vous pour dégoter ce bouquin… revenons au texte qui a inspiré Coelho !
Le prophète Élie vient d’ordonner la sécheresse à cause de l’infidélité du peuple du Royaume d'Israël qui se tourne vers des idoles. Pourchassé par le roi Acab, Élie prend la poudre d'escampette…
Élie se leva et s’en alla à Sarepta. Comme il arrivait à la porte de la ville, voici qu’il y avait là une femme veuve qui ramassait des morceaux de bois. Il l’appela et lui dit :
— Prends, je te prie, un peu d’eau pour moi dans un vase, pour que je boive.
Elle allait pour en prendre. Il l’appela et dit :
— Prends-moi, je te prie, un morceau de pain dans ta main.
Elle dit :
— Aussi vrai que vit YHWH, ton Dieu, je n’ai rien de cuit, je n’ai qu’une poignée de farine dans la cruche et un peu d’huile dans la jarre. Voici que je ramasse deux bouts de bois, puis je rentrerai préparer cela pour moi et pour mon fils : nous le mangerons et puis nous mourrons.
Élie lui dit :
— Ne crains pas mais va, fais comme tu as dit. Seulement, fais pour moi d’abord de cela un petit gâteau et tu me l'apporteras pour toi, et tu en feras ensuite pour ton fils. Car ainsi parle YHWH, le Dieu d’Israël : "La cruche de farine ne s’épuisera pas, la jarre d’huile ne diminuera pas jusqu’au jour où YHWH donnera la pluie sur la face de la terre."
Elle s’en alla et fit selon la parole d’Élie, elle mangea, elle, lui et son fils pendant des jours.
La cruche de farine ne s’épuisa pas et la jarre d’huile ne diminua pas, selon la parole de YHWH qu’il avait dite par Élie.
Petite remise en contexte : Élie vient d'ordonner une sécheresse sur la terre d'Israël pour condamner l'idolâtrie du peuple (et en particulier du roi Acab et de la reine Jézabel).
Dieu envoie Élie à Sarepta, dans la région de Sidon... c'est-à-dire dans la région d’origine de la reine Jézabel — avec qui Élie entretient des rapports, disons, glaciaux !!! Cerise sur le gâteau : Sidon est une région païenne.
Mais ce n’est pas tout !! Élie demande à une veuve de le nourrir et de l’héberger. Or, à l’époque, les veuves sont condamnées à une vie misérable car elles ne reçoivent aucune aide ou compensation (y'a pas de Sécurité Sociale à l'époque). La veuve a donc peu de chance d’avoir de quoi nourrir Élie, d’autant plus que c’est la famine… à cause de cette fameuse sécheresse qu’Élie a fait tomber sur le pays !!
Élie, l'assécheur asséché.
Élie débarque chez une veuve et lui demande à manger… et elle accepte !! L’hospitalité de cette femme étrangère se fait d’ailleurs au péril de sa propre vie. Elle partage avec Élie ses derniers vivres de nourriture !
Bref, d'après la veuve, la mort est certaine après ce dernier repas. Elle a parfaitement conscience de la situation :
« Aussi vrai que vit YHWH, ton Dieu, je n’ai rien de cuit, je n’ai qu’une poignée de farine dans la cruche et un peu d’huile dans la jarre. Voici que je ramasse deux bouts de bois, puis je rentrerai préparer cela pour moi et pour mon fils : nous le mangerons et puis nous mourrons. » (1R 17, 12)
Le tableau de Bernardo Strozzi (ci-dessous) dépeint magnifiquement cette scène : la veuve garde les mains sur la jarre d’huile et sur le bol de farine. Serait-ce pour en protéger le contenu ?
Le peintre montre bien le double mouvement de la veuve de Sarepta : généreuse et accueillante… mais également lucide et inquiète, le regard rivé sur Élie que l’on devine (de dos, avec une jolie calvitie des familles). Au milieu, le fils semble tendre son bol vers le prophète, comme s’il mendiait auprès de lui (souvenez-vous, c'est la famine)...
Tandis qu'elle accueille Élie, la veuve lui offre ses dernières réserves. Elle accepte donc de mourir dans cet élan de générosité... Mais :
Pour nos amis fans d’analyse littéraire, on peut noter le sublime parallélisme de construction : l'accomplissement de la promesse reprend mot pour mot les paroles de la promesse… Cela montre que Dieu est fidèle et qu'il tient sa parole.
Pour conclure, cet épisode chez la veuve de Sarepta... connaît une postérité toute particulière.
En effet, Jésus lui-même évoque ce miracle ! Comme d'hab, ce petit aller-retour nous rappelle le lien indéfectible qui unit l'Ancien Testament et le Nouveau Testament (c'est un peu notre marotte à nous chez PRIXM)... car Jésus était juif.
Ici, il s'adresse aux Nazaréens, les habitants du village juif où il a grandi.
« En vérité je vous dis : Il y avait beaucoup de veuves aux jours d’Élie en Israël lorsque le ciel fut fermé quand survint une grande famine sur toute la terre. Et vers aucune d’elles Élie ne fut envoyé, sinon à Sarepta de Sidon auprès d’une femme veuve » (Lc 4, 26)
Pourquoi Jésus fait-il référence à la veuve de Sarepta ? Que cherche-t-il à dire ? Eh bien il rappelle que cette veuve étrangère et païenne a eu davantage de foi que le peuple hébreu — lui qui, dans le sillage du roi Acab, s'était détourné du Dieu d'Israël !
Bref, dès l'Ancien Testament, Dieu vient à la rencontre des païens. Jésus évoque donc cet épisode pour annoncer qu'il ne vient pas seulement pour le peuple élu, c'est-à-dire les Juifs. Il vient aussi pour les étrangers, ceux qui ne connaissent pas le Dieu d'Israël !
Dans son poème intitulé « Le Mendiant », le romantique André Chénier revient sur la figure de l’étranger — personnage faussement inconnu et hostile :
Du fond d’un bois épais, un noir fantôme sort,
Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée :
Il remuait à peine une lèvre glacée,
Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours ;
Il se traîne, il n’attend qu’une mort douloureuse ;
Il succombe. L’enfant, interdite et peureuse,
À ce hideux aspect sorti du fond des bois,
Veut fuir ; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux ; il lui crie
Qu’au nom de tous les dieux il la conjure, il prie,
Et qu’il n’est point à craindre, et qu’une ardente faim
L’aiguillonne et le tue, et qu’il expire enfin.
André Chénier (1762-1794), « Le Mendiant ».