D’où vient le mot « Torah » ? Que signifie-t-il pour les Juifs ? Quelle est l’étymologie de ce mot biblique fondamental ?
En 1983, le réalisateur français Marc-André Grynbaum dévoile un film inspiré de sa propre vie. Le personnage principal, joué par Christian Clavier, est un homme qui se lance dans la musique en créant un groupe de rock. Il donne alors à son groupe le nom de Rock and Torah.
L'affiche du film est d'ailleurs truffée de références bibliques, en écho au fameux film Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille : la mer se sépare en deux pour laisser passer la voiture comme Moïse sépare la mer en deux pour quitter l'Égypte et traverser la Mer Rouge, et Christian Clavier brandit un panneau comme Moïse brandit les Tables de la Loi.
Avec cette petite entrée en matière cinématographique, on se pose une question simple : quelle est l'origine et quel est le sens du mot Torah, si cher au judaïsme ?
Impossible d’évoquer la « Torah » sans penser à Moïse ! Au chapitre 24 de l’Exode, Moïse se charge d’écrire les Lois que Dieu révèle à son peuple Israël.
YHWH dit à Moïse :
— Monte vers moi sur la montagne, et reste là, je te donnerai les tables de pierre, la loi [torah] et les commandements que j’ai écrits pour leur instruction. [...]
Moïse monta sur la montagne et la nuée couvrit la montagne. La gloire de YHWH demeura sur la montagne du Sinaï et la nuée le couvrit pendant six jours ; et il appela Moïse le septième jour du milieu de la nuée. Et l’aspect de la gloire de YHWH était comme un feu dévorant sur le sommet de la montagne en présence des fils d’Israël. Et Moïse entra au milieu de la nuée et monta sur la montagne, et Moïse fut sur la montagne quarante jours et quarante nuits.
Le mot Torah fait partie de ces termes peut-être entendus mais pas forcément connus. On a donc décidé de dissiper le flou et de faire un éclairage bien net à ce sujet.
Dans la tradition juive, les cinq premiers livres de la Bible portent collectivement le titre de « Torah (תורה) », habituellement traduit par « Loi ». Ces 5 premiers livres sont désignés en hébreu par l'un des premiers mots du texte même :
Pour les Chrétiens, la « Torah » porte le nom de « Pentateuque » (terme grec qui signifie « les 5 étuis » en référence aux 5 livres).
Pour désigner le manuscrit sur lequel le texte est lu à la synagogue, on parle de Sefer Torah (littéralement « le rouleau de la Torah »).
La Torah ne désigne donc pas uniquement, ni d'abord, un corpus de lois, au sens juridique du terme, mais un enseignement de sagesse qui vise l'agir moral : il s’agit de savoir trouver le bon chemin, de savoir conduire sa vie.
Au fait, d’où vient de mot « Torah » ? Le terme torah vient de la racine verbale yarah en hébreu. Et on vous le dit tout de suite, c’est pas évident à traduire…
Le verbe yarah signifie d'abord « jeter », « lancer » ou encore « viser » (comme une flèche ou une pierre en direction d’une cible) puis, par extension, il a pris le sens de « enseigner, diriger, éduquer ». Autrement dit : la Torah est ce qui nous fait viser quelque chose (en l’occurrence : viser une vie bonne). Elle trace et fixe une direction, une ligne de conduite.
C’est ce sens de la direction et de l’enseignement qui se retrouve dans un passage du Livre des Proverbes :
« Je fus un fils pour mon père, tendre et unique aux yeux de ma mère. Il m’enseignait (ירה) et il me disait :
— Que ton cœur retienne mes paroles ; observe mes préceptes, et tu vivras. » (Pr 4,4)
Le nom commun torah acquiert ainsi le sens d’instruction, d’éducation par exemple d'une mère, d'un père, d'un sage ou de Dieu.
Pour bien saisir le sens du mot Torah, il faut se pencher sur le contexte dans lequel il survient. En fait, il est polysémique. Penchons-nous simplement sur deux sens possibles.
1) Le mot torah a un sens juridique, dans le livre du Lévitique particulièrement. Il désigne alors l'ensemble des règles rituelles à observer pour le culte et on le traduit par le terme « la Loi ».
2) Dans le livre d'Isaïe et dans les Psaumes, il faudrait aller jusqu'à « Révélation » pour traduire le mot torah, quand il exprime la volonté de Dieu, comme en Isaïe 2,3 dans le passage de la grande vision inaugurale où des peuples nombreux montent à Jérusalem en disant :
« Venez ! montons à la montagne de YHWH, à la maison du Dieu de Jacob : il nous révèlera [yarah] ses voies et nous marcherons dans ses sentiers car de Sion sortira la Révélation [torah] et de Jérusalem la parole de YHWH. » (Is 2,3)
En fonction du passage, les traducteurs choisissent ainsi le terme loi, instruction, enseignement, ou encore révélation pour tâcher d’en rendre compte au mieux.
Pour conclure, disons simplement que la « Torah » est à la fois :
On termine ce numéro en beauté avec les mots pleins de poésie de Christian Bobin. Il évoque ce qui grandit, et touche du doigt le mystère de l'éducation :
« Et l’enfant grandit. Il grandit comme grandissent les enfants : comme un arbre, plongeant les racines de ses bras dans la terre maternelle, puisant sa nourriture dans les sous-bois d’une parole, multipliant les attaches, élevant les branches de ses pensées dans la lumière du dehors. L’enfance est ce qui nourrit la vie. Qu’est-ce qui nourrit l’enfance ? Les parents et l’entourage, pour une part. Les lieux, la magie des lieux pour une autre part. Et Dieu pour le reste qui est presque tout. »
Christian Bobin, Le Très-Bas, Paris, Gallimard, 1992, p. 33
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