Découvrez l'épisode de la Transfiguration de Jésus devant ses disciples ! Que nous indique l'attitude de Pierre, Jacques et Jean ?
Pour son titre Transfiguration, Sufjan Stevens reprend carrément mot pour mot l’évangile de la transfiguration de Jésus.
L’artiste américain y joue un folk indie sur fond de banjo franchement appréciable pour lire l’opus du jour !
Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart sur une haute montagne.
Et il fut transfiguré devant eux, son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.
Et voici que leur apparurent Moïse et Elie parlant avec lui.
Pierre intervenant dit à Jésus :
— Seigneur il est bon que nous soyons ici. Si tu veux faisons ici trois tentes une pour toi une pour Moïse une pour Élie.
Comme il parlait encore voici qu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre et voici une voix de la nuée disant :
— Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu : écoutez-le.
En entendant [cela] les disciples tombèrent sur leur face et craignirent beaucoup. Jésus s'approcha et en les touchant dit :
— Levez-vous et ne craignez pas.
Levant leurs yeux, ils ne virent personne sinon Jésus seul.
Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur ordonna en disant :
— Ne dites à personne cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite des morts.
Jésus monte sur la montagne et, soudain, il est transfiguré.
« En entendant [cela] les disciples tombèrent sur leur face et craignirent beaucoup. »
Pour ces disciples qui voient la nuée et entendent la voix qui en sort, nul doute : il s’agit de la voix de Dieu.
Or, comme tout bon Juif, Pierre, Jacques et Jean ont conscience qu’on ne peut voir la face de Dieu sans mourir : Dieu est l’invisible, l’inaccessible à l’homme. Un abîme de dignité sépare l’homme et Dieu : l’homme ne peut avoir un accès direct à Lui.
L’Ancien Testament raconte de nombreuses apparitions similaires de Dieu à ses prophètes. Ceux-ci se voilent la face, cachent leurs yeux, de crainte d’être brûlés par l’incandescente lumière qui apparaît. Tous ont conscience, comme les disciples, que l’homme n’est pas digne de voir Dieu. Ainsi, le prophète Isaïe, entendant la voix divine, déclare :
« Malheur à moi : je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres souillées et j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres souillées et mes yeux ont vu le roi, YHWH des armées. » Livre d’Isaïe, chapitre 6, verset 5 dans l'Ancien Testament.
Que Jésus soit transfiguré n’a visiblement pas impressionné les disciples, mais c’est cette voix qui les a fait se coucher à terre. Peut-être sont-ils habitués aux miracles de cet homme à l’autorité incroyable, qui est désigné par Dieu comme son Fils ?
Il est plus probable qu’ils n’aient pas encore compris que ce Fils de Dieu, est lui-même une personne divine qui s'est incarnée. Ils n'ont pas encore perçu que Jésus est vrai Dieu et vrai homme.
Jusqu’au bout, jusqu’au reniement de Pierre, ils achopperont à cette vérité. Il leur faudra voir Jésus crucifié, puis ressuscité, pour reconnaître définitivement que cet homme, cet ami, est le vrai Dieu.
L’attitude des disciples nous renseigne sur la révolution opérée par Jésus-Christ : avec lui, Dieu l’invisible, l’inaccessible s’est fait homme. Il s’est rendu visible, il s’est uni à la nature humaine. L’homme peut finalement voir Dieu sans mourir et le contempler face-à-face. L'homme peut ainsi parler à ce Dieu comme à un ami, un frère.
Cette conscience d’un Dieu invisible et inaccessible explique l’absence de représentation de Dieu dans le judaïsme. On explique ça dans ce numéro. C’est ce même fondement qui justifie l’absence de représentation d’Allah dans le Coran.
Et c’est la révélation apportée par Jésus, du Dieu invisible, qui prend chair humaine et se rend visible, qui a permis la prodigieuse production artistique d’icônes depuis des siècles, comme on l’explique dans cet autre numéro.
La grande question qui a agité les théologiens des premiers siècles fut justement de savoir qui était ce Jésus Christ : un homme extraordinaire, un Dieu à l'apparence humaine ? Une des plus belles réponses à cette question fut la lettre de l'archevêque de Rome Léon à Flavien, l'archevêque de Constantinople*. Un sommet de théologie donc :
« Le Fils de Dieu entre donc dans ce bas monde, descendant de son trône céleste sans abandonner la gloire de son Père, engendré dans un nouvel ordre, par une nouvelle naissance.
Nouvel ordre, parce qu'invisible en ce qui lui est propre, il s'est fait visible en ce qui est nôtre ; incompréhensible, il a voulu être compris ; subsistant avant les temps, il a commencé d'être dans le temps ; Seigneur de l'univers, il a pris la forme d'esclave, voilant d'ombre l'immensité de sa majesté. Dieu impassible, il n'a pas dédaigné d'être homme passible, et, immortel, de se soumettre aux lois de la mort. »
Saint Léon, Tome à Flavien, Traduction française de E. Amann, Le dogme catholique dans les Pères de l'Eglise, 344-35, Paris, 1922
*Si certains aiment être précis sur les titres, qu'ils sachent que nous avons repris les titres d'archevêques donnés à Léon et Flavien par les actes du concile de Chalcédoine qui se tînt en 451.