Quel prophète ressuscite le fils de la veuve de Sarepta dans l'Ancien Testament ? Quel est le lien entre Élie et Jésus dans la Bible ?
Dans son morceau Bring me to life sorti en 2002, la chanteuse de métal Amy Lee demande à être ramenée à la vie — ou plutôt à être réveillée après un long sommeil !
Tiens, tiens... à ce sujet, aujourd'hui, découvrons non pas 1 mais 2 textes bibliques ! L'un est issu de l'Ancien Testament, l'autre du Nouveau. Spoil : l'un et l'autre se font écho (écho écho).
Le prophète Élie est accueilli et nourri chez une veuve de Sarepta alors que la famine sévit dans toute la région. Mais, par l'intermédiaire d'Élie, Dieu assure leur subsistance. C'est alors que survient un événement tragique.
Or il advint, après ces faits, que le fils de la femme maîtresse de la maison tomba malade et sa maladie fut très violente au point qu’il ne resta plus en lui d’haleine. Elle dit à Élie :
— Qu’y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu ? Es-tu venu chez moi pour rappeler ma faute et mettre à mort mon fils ?
Il lui dit :
— Donne-moi ton fils.
Il le prit de son sein, le porta dans la chambre haute où il demeurait et le coucha sur son lit.
Il cria vers YHWH et dit :
— YHWH, mon Dieu, aurais-tu encore fait tomber le malheur sur cette veuve chez laquelle je demeure, jusqu’à mettre à mort son fils ?
Et il s’étendit sur l’enfant trois fois, il cria vers YHWH et dit :
— YHWH, mon Dieu, que retourne, je t’en prie, l’âme de cet enfant au-dedans de lui !
YHWH écouta la voix d’Élie, l’âme de l’enfant retourna au-dedans de lui, et il revécut. Élie prit l’enfant, le descendit de la chambre haute dans la maison et le donna à sa mère.
Élie lui dit :
— Vois ! Ton fils est vivant.
La femme dit à Élie :
— Maintenant je reconnais que tu es un homme de Dieu et la parole de YHWH dans ta bouche est vérité.
Jésus parcourt Israël avec ses disciples et fait plusieurs miracles. Il vient de quitter Capharnaüm où il guérit le fils d'un centurion romain.
Et il advint qu’il allait ensuite dans une ville nommée Naïm, et beaucoup de disciples et une foule nombreuse faisaient route avec lui.
Comme il approchait de la porte de la ville, voilà qu’on emportait un mort, fils unique de sa mère — laquelle était veuve — et avec elle une foule considérable de gens de la ville. À sa vue, le Seigneur fut saisi de pitié pour elle, et il lui dit :
— Ne pleure pas.
Et en s’approchant, il toucha le cercueil et ceux qui le portaient s’arrêtèrent et il dit :
— Jeune homme, je te le dis, lève-toi !
Et le mort se dressa sur son séant et commença à parler, et il le donna à sa mère. La crainte les prit tous et ils glorifiaient Dieu en disant : "Un grand prophète s’est levé parmi nous" et "Dieu a visité son peuple". Et cette parole se répandit à son sujet dans toute la Judée et dans toute la région d’alentour.
On sait que ces deux textes sont un peu longs, mais ils ont vraiment beaucoup de points communs. C'est flagrant lorsqu'on lit les deux textes à la suite !
De manière générale, l’évangéliste Luc est très friand des parallèles avec l'Ancien Testament ! En effet, ici, il brosse plusieurs liens entre la vie du prophète Élie et celle de Jésus.
Déjà, commençons par le plus simple :
Pourquoi mettre en parallèle ces deux récits ? Que signifient ces ressemblances ?
Jésus et Élie sont tous les deux frappés par le drame de la mort d’un enfant. L’un comme l’autre, ils sont saisis de tristesse.
Élie et Jésus sont saisis de compassion. Puis tous deux opèrent un miracle saisissant :
C’est bon, on a compris, les deux épisodes se ressemblent… Pourtant le parallèle n’est pas total ! En effet, un détail essentiel distingue ces deux miracles :
En fait, il y a une accumulation d’indices et de parallèles qui justifie qu’on lise ces deux textes en écho : les deux événement se ressemblent, certains mots bien précis se répètent, la construction du récit est semblable…
Bref, on a donc le même début et la même fin sur le papier… mais, à regarder de plus près, un petit détail sépare ces deux épisodes. Ok, et alors ?
Finalement, pourquoi dresser un tel parallèle entre Élie et Jésus ? Que signifie ce jeu d'échos ? Où veut-on en venir ?
Ici, l'évangéliste Luc réalise ce qu'on appelle une typologie, c'est-à-dire un rapprochement entre deux personnages et deux événements. C’est ce qu’on a mis en évidence avec tous les parallèles entre ces deux épisodes !
Le terme typologie vient du grec tupos qui veut dire « modèle, moule » : Luc écrit sur le modèle du Livre des Rois… pour mettre délibérément en évidence ce parallèle entre Élie et Jésus… et nous amener à cette question : Jésus est-il plus qu’un prophète ?
En effet, on l'a dit, contrairement à Élie, la parole de Jésus est énoncée en son propre nom. Jésus ordonne le retour à la vie à la première personne :
« Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » (Lc 7, 14)
D’ailleurs, sa parole est immédiatement suivie de l'acte. C'est ce qu'on appelle une parole performative : la parole de Jésus agit, elle fait quelque chose. On peut d'ailleurs déceler dans ce détail un signe de la divinité de Jésus : il n’a pas besoin d’en passer par Dieu pour faire revenir à la vie cet enfant… parce qu'il est-il lui-même Dieu.
Au passage, c'est notre dada chez PRIXM, cette typologie montre tout l'intérêt de lire l'Ancien Testament en lien avec le Nouveau ! L'éclairage qu'on vient de vous proposer illustre bien cela !
Concluons notre numéro avec la plume de la poétesse franco-syro-libanaise Andrée Chedid (rien à voir avec Matthieu alias -M-) !
« Devant cette Résurrection
Ce souffle sous d'autres cieux
Cette demeure en d'autres mondes [...]
Au bord du pays ultime
Où le fleuve qui va emporte toutes poussières
Où la bouche sans fond engloutit tous reflets
Les mots s'éteignent
Le regard s'interrompt
Voyageur éphémère
Je ne pénètre rien de ce domaine sans chair
Je ne sais rien toucher de ce lieu sans parois. »
Andrée Chedid (1920-2011), « Résurrection et résurrections », Poèmes pour un texte, Paris, Flammarion, 1991.
Dans le Livre des Rois, Élie prie Dieu pour que le fils de la veuve revienne à la vie. Jésus, lui, agit par sa propre parole : il dit simplement « Jeune homme, lève-toi ! ». Ce détail montre que Jésus ne se contente pas d’être un prophète : sa parole agit d’elle-même, signe de sa divinité.
L’évangéliste Luc aime montrer comment Jésus accomplit les figures de l’Ancien Testament. En rapprochant Jésus d’Élie, il souligne que Jésus est plus qu’un prophète : il agit comme Dieu lui-même. C’est ce qu’on appelle une lecture typologique de la Bible.
Cet épisode préfigure la résurrection du Christ. En rendant la vie au fils de la veuve, Jésus annonce déjà sa propre victoire sur la mort et révèle le cœur de son message : la vie est plus forte que la mort.
La figure de la veuve symbolise la fragilité humaine et la dépendance à Dieu. En venant à leur secours, Élie puis Jésus manifestent un même élan de compassion divine (en tant que prophète, porte-parole habité, et en tant que Dieu) envers les plus vulnérables.
La typologie (du grec tupos, archétype, modèle, moule) est une manière de lire la Bible en repérant les liens entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Un événement ancien (ici, le miracle d’Élie) annonce ou préfigure un événement nouveau (le miracle de Jésus).
PRIXM adore ce genre de clin d’œil biblique !
Parce que sa chanson Bring Me to Life évoque le désir d’être réveillé à la vie — un thème qui fait écho aux deux récits bibliques d’Élie et de Jésus.
Une manière de montrer que la culture pop rejoint souvent la Bible sans même le savoir !