Veuve de Sarepta et veuve de Naïm, même combat ?

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Quel prophète ressuscite le fils de la veuve de Sarepta dans l'Ancien Testament ? Quel est le lien entre Élie et Jésus dans la Bible ?

4 minutes 13 avec Amy Lee, Ciro Ferri, Wilhelm Kotarbiński et Andrée Chedid
Dernière mise à jour -  
10/10/2025

Le retour à la vie avec Amy Lee

Dans son morceau Bring me to life sorti en 2002, la chanteuse de métal Amy Lee demande à être ramenée à la vie — ou plutôt à être réveillée après un long sommeil !

Tiens, tiens... à ce sujet, aujourd'hui, découvrons non pas 1 mais 2 textes bibliques ! L'un est issu de l'Ancien Testament, l'autre du Nouveau. Spoil : l'un et l'autre se font écho (écho écho).

Le texte biblique qui raconte la résurrection du fils de la veuve de Sarepta

Le prophète Élie est accueilli et nourri chez une veuve de Sarepta alors que la famine sévit dans toute la région. Mais, par l'intermédiaire d'Élie, Dieu assure leur subsistance. C'est alors que survient un événement tragique.

Or il advint, après ces faits, que le fils de la femme maîtresse de la maison tomba malade et sa maladie fut très violente au point qu’il ne resta plus en lui d’haleine. Elle dit à Élie :
— Qu’y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu ? Es-tu venu chez moi pour rappeler ma faute et mettre à mort mon fils ?

Il lui dit :
— Donne-moi ton fils.

Il le prit de son sein, le porta dans la chambre haute où il demeurait et le coucha sur son lit.

Il cria vers YHWH et dit :
— YHWH, mon Dieu, aurais-tu encore fait tomber le malheur sur cette veuve chez laquelle je demeure, jusqu’à mettre à mort son fils ?

Et il s’étendit sur l’enfant trois fois, il cria vers YHWH et dit :
— YHWH, mon Dieu, que retourne, je t’en prie, l’âme de cet enfant au-dedans de lui !

YHWH écouta la voix d’Élie, l’âme de l’enfant retourna au-dedans de lui, et il revécut. Élie prit l’enfant, le descendit de la chambre haute dans la maison et le donna à sa mère.

Élie lui dit :
— Vois ! Ton fils est vivant.

La femme dit à Élie :
— Maintenant je reconnais que tu es un homme de Dieu et la parole de YHWH dans ta bouche est vérité.

Premier livre des Rois, chapitre 17, versets 17 à 24. Traduit de l’hébreu par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Le texte biblique qui raconte la résurrection du fils de la veuve de Naïm

Jésus parcourt Israël avec ses disciples et fait plusieurs miracles. Il vient de quitter Capharnaüm où il guérit le fils d'un centurion romain.  

Et il advint qu’il allait ensuite dans une ville nommée Naïm, et beaucoup de disciples et une foule nombreuse faisaient route avec lui.

Comme il approchait de la porte de la ville, voilà qu’on emportait un mort, fils unique de sa mère — laquelle était veuve — et avec elle une foule considérable de gens de la ville. À sa vue, le Seigneur fut saisi de pitié pour elle, et il lui dit :
— Ne pleure pas.

Et en s’approchant, il toucha le cercueil et ceux qui le portaient s’arrêtèrent et il dit :
— Jeune homme, je te le dis, lève-toi !

Et le mort se dressa sur son séant et commença à parler, et il le donna à sa mère. La crainte les prit tous et ils glorifiaient Dieu en disant : "Un grand prophète s’est levé parmi nous" et "Dieu a visité son peuple". Et cette parole se répandit à son sujet dans toute la Judée et dans toute la région d’alentour.

Évangile de Luc, chapitre 7, verset 11 à 17. Traduit du grec par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Jésus fait-il le même miracle que le prophète Élie ?

Ciro Ferri (1633-1689), Élie et la veuve de Sarepta (vers 1675, huile sur toile, 131 x 98 cm), National Trust, Swindon (Royaume-Uni). Domaine public.

Quel est le rapport entre ces deux textes ?

On sait que ces deux textes sont un peu longs, mais ils ont vraiment beaucoup de points communs. C'est flagrant lorsqu'on lit les deux textes à la suite !

De manière générale, l’évangéliste Luc est très friand des parallèles avec l'Ancien Testament ! En effet, ici, il brosse plusieurs liens entre la vie du prophète Élie et celle de Jésus.

Déjà, commençons par le plus simple :

  • Dans les deux cas, il est question de la mort du fils unique d'une veuve.
  • Dans les deux cas, l’enfant revient à la vie à cause d’un miracle éclatant.

Pourquoi mettre en parallèle ces deux récits ? Que signifient ces ressemblances ?

Wilhelm Kotarbiński (1848-1921), La résurrection du fils de la veuve de Naïm (1879, huile sur toile, 149 x 222 cm), Musée National, Varsovie (Pologne) Domaine public.Le geste de Jésus arrête le cortège funèbre et préfigure déjà son ordre : « En s’approchant, il toucha le cercueil et ceux qui le portaient s’arrêtèrent » (Lc 7, 14).

Le même élan de compassion

Jésus et Élie sont tous les deux frappés par le drame de la mort d’un enfant. L’un comme l’autre, ils sont saisis de tristesse.

  • Élie est bouleversé par la mort du fils de la veuve de Sarepta. Tout d’abord, il se saisit de l'enfant et le porte dans sa chambre, dans un mouvement très paternel et affectueux. Puis sa prière témoigne de son incompréhension face à ce décès tragique : « YHWH, mon Dieu, aurais-tu encore fait tomber le malheur chez cette veuve chez laquelle je demeure ? » (1R 17, 20).
  • Jésus est bouleversé par la mort du fils de la veuve de Naïm. D'ailleurs, dans le texte d'origine, en grec, le terme splanchnidzomaï (ici traduit par « bouleversé ») veut littéralement dire « être saisi aux entrailles » (splanchna). Bref, au sens strict, ça le prend aux tripes, il est remué jusqu’au fond de son corps par ce décès, il est « saisi de pitié » (Lc 7, 13).

Élie et Jésus sont saisis de compassion. Puis tous deux opèrent un miracle saisissant :

  • Élie fait revenir à la vie le défunt fils de la veuve de Sarepta.
  • Jésus fait revenir à la vie le défunt fils de la veuve de Naïm.
Attribué à Rembrandt (1606-1669), Élie guérissant le fils de la veuve (XVIIe siècle, gravure), Wellcome Collection, Londres (Royaume-Uni). Domaine public.

Le même miracle, à un gros détail près…

C’est bon, on a compris, les deux épisodes se ressemblent… Pourtant le parallèle n’est pas total ! En effet, un détail essentiel distingue ces deux miracles :

  • Élie s'adresse à Dieu et lui demande de guérir l'enfant. Car Élie est un « homme de Dieu »... mais il n'est pas Dieu ! D’ailleurs, il doit s’y reprendre à 3 fois dans sa prière ! « Et il s’étendit sur l’enfant trois fois, il cria vers YHWH. [...] YHWH écouta la voix d’Élie, l’âme de l’enfant retourna au-dedans de lui, et il revécut. » (1R 17, 21-22). Le texte biblique indique clairement que c’est Dieu qui accomplit ce miracle en exauçant la prière d’Élie.
  • Jésus, lui, réalise le miracle par lui-même ! Et il n'y va pas par quatre chemins : il s'adresse directement au mort : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » (Lc 7, 14). Cette parole est en elle-même le miracle, puisque le verset suivant indique : « Et le mort se dressa sur son séant et commença à parler, et [Jésus] le donna à sa mère. » (Lc 7, 15)

En fait, il y a une accumulation d’indices et de parallèles qui justifie qu’on lise ces deux textes en écho : les deux événement se ressemblent, certains mots bien précis se répètent, la construction du récit est semblable…  

Bref, on a donc le même début et la même fin sur le papier… mais, à regarder de plus près, un petit détail sépare ces deux épisodes. Ok, et alors ?

Ford Madox Brown (1821-1893), Élie et le fils de la veuve (1864, huile sur panneau, 34 x 53 cm), Musée de Birmingham, (Royaume-Uni), Domaine public.

Conclusion : Jésus est-il plus qu’un prophète ?

Finalement, pourquoi dresser un tel parallèle entre Élie et Jésus ? Que signifie ce jeu d'échos ? Où veut-on en venir ?

Ici, l'évangéliste Luc réalise ce qu'on appelle une typologie, c'est-à-dire un rapprochement entre deux personnages et deux événements. C’est ce qu’on a mis en évidence avec tous les parallèles entre ces deux épisodes !

Le terme typologie vient du grec tupos qui veut dire « modèle, moule » : Luc écrit sur le modèle du Livre des Rois… pour mettre délibérément en évidence ce parallèle entre Élie et Jésus… et nous amener à cette question : Jésus est-il plus qu’un prophète ?

En effet, on l'a dit, contrairement à Élie, la parole de Jésus est énoncée en son propre nom. Jésus ordonne le retour à la vie à la première personne :

« Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » (Lc 7, 14)

D’ailleurs, sa parole est immédiatement suivie de l'acte. C'est ce qu'on appelle une parole performative : la parole de Jésus agit, elle fait quelque chose. On peut d'ailleurs déceler dans ce détail un signe de la divinité de Jésus : il n’a pas besoin d’en passer par Dieu pour faire revenir à la vie cet enfant… parce qu'il est-il lui-même Dieu.

Au passage, c'est notre dada chez PRIXM, cette typologie montre tout l'intérêt de lire l'Ancien Testament en lien avec le Nouveau ! L'éclairage qu'on vient de vous proposer illustre bien cela !

Jan Verhas (1834-1896), Jésus et le fils de la veuve de Naïm (1860, huile sur toile, 45 x 58 cm), Localisation inconnue. Domaine public.

Le mot de la fin

Concluons notre numéro avec la plume de la poétesse franco-syro-libanaise Andrée Chedid (rien à voir avec Matthieu alias -M-) !

« Devant cette Résurrection
Ce souffle sous d'autres cieux
Cette demeure en d'autres mondes [...]

Au bord du pays ultime
Où le fleuve qui va emporte toutes poussières
Où la bouche sans fond engloutit tous reflets

Les mots s'éteignent
Le regard s'interrompt

Voyageur éphémère
Je ne pénètre rien de ce domaine sans chair
Je ne sais rien toucher de ce lieu sans parois. »

Andrée Chedid (1920-2011), « Résurrection et résurrections », Poèmes pour un texte, Paris, Flammarion, 1991.

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Questions Fréquentes

Quelle est la différence entre le miracle d’Élie et celui de Jésus ?

Dans le Livre des Rois, Élie prie Dieu pour que le fils de la veuve revienne à la vie. Jésus, lui, agit par sa propre parole : il dit simplement « Jeune homme, lève-toi ! ». Ce détail montre que Jésus ne se contente pas d’être un prophète : sa parole agit d’elle-même, signe de sa divinité.

Pourquoi Luc compare-t-il Jésus au prophète Élie ?

L’évangéliste Luc aime montrer comment Jésus accomplit les figures de l’Ancien Testament. En rapprochant Jésus d’Élie, il souligne que Jésus est plus qu’un prophète : il agit comme Dieu lui-même. C’est ce qu’on appelle une lecture typologique de la Bible.

Que symbolise la résurrection du fils de la veuve de Naïm ?

Cet épisode préfigure la résurrection du Christ. En rendant la vie au fils de la veuve, Jésus annonce déjà sa propre victoire sur la mort et révèle le cœur de son message : la vie est plus forte que la mort.

Pourquoi les récits bibliques évoquent-ils souvent des veuves et leurs fils ?

La figure de la veuve symbolise la fragilité humaine et la dépendance à Dieu. En venant à leur secours, Élie puis Jésus manifestent un même élan de compassion divine (en tant que prophète, porte-parole habité, et en tant que Dieu) envers les plus vulnérables.

Que veut dire le mot « typologie » dans l'exégèse biblique ?

La typologie (du grec tupos, archétype, modèle, moule) est une manière de lire la Bible en repérant les liens entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Un événement ancien (ici, le miracle d’Élie) annonce ou préfigure un événement nouveau (le miracle de Jésus).

PRIXM adore ce genre de clin d’œil biblique !

Pourquoi Amy Lee (Evanescence) est-elle mentionnée dans cet article ?

Parce que sa chanson Bring Me to Life évoque le désir d’être réveillé à la vie — un thème qui fait écho aux deux récits bibliques d’Élie et de Jésus.

Une manière de montrer que la culture pop rejoint souvent la Bible sans même le savoir !

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