Que signifie l'expression « le verbe s'est fait chair » ? Qu'est-ce que l'incarnation de Dieu ? Comment l’évangéliste Jean raconte-t-il la naissance de Jésus ?
Dans les sous-sols du métro new-yorkais en 2015, la géniale violoniste américaine Lindsey Stirling fait étalage de tout son talent en reprenant le mythique titre Hallelujah de Leonard Cohen (ce qui signifie littéralement « louange à Dieu »).
Mais surtout, elle en profite pour nous souhaiter un très joyeux Noël en musique, célébrant la naissance de Jésus ! Et c’est franchement un bonheur et un délice pour les oreilles…
Ces deux petits versets du premier chapitre de l’évangile de saint Jean sont très denses, mais c’est véritablement un bijou. Ils introduisent au mystère de Noël : la naissance d’un enfant qui est Dieu.
Au commencement était le Verbe,
Le Verbe était auprès de Dieu,
et le Verbe était Dieu.
[...]
Et le Verbe s’est fait chair
et il a habité parmi nous.
Vous l’avez remarqué, et c’est vrai pour l’ensemble du passage : le premier chapitre de l’évangile de Jean ne parle ni de crèche, ni de Bethléem, ni des bergers, ni même de Marie ou de Joseph…
C’est d'ailleurs l’une des spécificités de l’évangile de Jean : il commence et parle de Jésus en le désignant comme le Logos. Ce terme grec est ici rendu par le mot « Verbe » dans notre traduction.
Autrement dit, Jean présente et nomme ainsi Jésus : il est le Verbe de Dieu.
Pour écrire son évangile, Jean va naturellement puiser dans les seules Écritures saintes qui existaient alors et qu'il connaissait : ce que nous appelons maintenant l'Ancien Testament.
Autrement dit de façon plus stylée, pour comprendre qui est Jésus, Jean l'évangéliste s'engage dans une relecture vétéro-testamentaire.
Et pour saisir les références, voici un petit coup de projecteur sur l’écho que fait Jean au Livre de la Genèse.
Dans un texte écrit, quel qu’il soit, l’auteur soigne l'introduction, et en particulier les premiers mots. Or, ici, Jean commence son évangile de la même manière que le début de la Bible. Il reprend la formule bien connue du début du livre de la Genèse : « au commencement ».
De cette manière, l’évangile de Jean présente la naissance de Jésus comme une nouvelle genèse, une nouvelle création. Autrement dit : cette naissance est plus qu’une naissance seulement humaine, et il convient de la mettre en parallèle avec le récit de la création du monde. Difficile de mieux indiquer que tous les warnings sont allumés !
Jean aborde ainsi Noël en insistant sur le thème de l’Incarnation. Étymologiquement et littéralement, in-carnation veut dire « [entrée] dans la chair ».
Elle signifie que ce n’est pas un homme qui est devenu Dieu, mais que c’est le Verbe de Dieu lui-même qui est venu assumer la nature humaine.
« Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14).
Pour les Chrétiens, l’incarnation est un terme théologique qui décrit les deux natures de Jésus, divine et humaine :
Dans une courte nouvelle, le poète italien Erri De Luca imagine l’histoire de Noël telle qu’elle a été vécue par Marie et Joseph, les parents de Jésus. Ici, il fait parler Marie au cours de sa grossesse, juste après l’Annonciation. Et il est très clair que De Luca mentionne la « création » avec en fond une habile référence au prologue de l’évangile de Jean que nous venons d’éclairer :
« Les mains croisées sur mon ventre plat, je touchais ma peau pour sentir au bout de mes doigts ma vie changée. C’était pour moi le premier jour de la création. »
Erri De Luca, Au nom de la mère, Paris, Gallimard, 2006, p. 24
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