Comment la naissance de Moïse est-elle racontée dans la Bible ? Quel lien a-t-il avec Noé ? Que signifie son nom ? Qu’est-ce que son nom indique de sa mission ?
« Avec le micro en l’air, j’écarte la mer, la foule se sépare en deux. Je me sens comme Moïse. »
Dans son titre Moïse, le rappeur Disiz La Peste se prend un peu pour Moïse et distille tout plein de références au passage de la Mer Rouge et à la vie de Moïse. On vous laisse goûter ce lourd son, et on revient sur la naissance de ce personnage clef !
Ce texte biblique relate la naissance de Moïse, enfant du peuple hébreu alors sous domination de l'Egypte.
Un homme de la maison de Lévi s’en alla prendre pour femme une fille de Lévi. La femme devint enceinte et enfanta un fils. Elle vit qu’il était beau et le cacha pendant trois mois.
Comme elle ne pouvait plus le cacher, elle prit pour lui une caisse de jonc et l’enduisit de bitume et de poix, elle y mit l’enfant et la déposa parmi les joncs sur le bord du fleuve.
Sa sœur se tint à distance pour savoir ce qui lui arriverait. La fille de Pharaon descendit se baigner dans le fleuve et ses servantes se promenaient le long du fleuve. Elle vit la caisse au milieu des joncs et envoya sa servante la prendre.
Elle ouvrit et vit l’enfant : c’était un garçon qui pleurait. Elle eut pitié de lui et dit :
— C’est un enfant des Hébreux.
Alors sa sœur [*de Moïse] dit à la fille de Pharaon :
— Veux-tu que j’aille appeler pour toi une nourrice parmi les femmes des Hébreux pour nourrir pour toi l’enfant ?
La fille de Pharaon lui dit :
— Va !
Et la jeune fille alla appeler la mère de l’enfant.
La fille de Pharaon lui dit :
— Emmène cet enfant et nourris-le pour moi et moi, je te donnerai ton salaire.
La femme prit l’enfant et le nourrit. Quand il eut grandi, elle l’amena à la fille de Pharaon et il devint pour elle comme un fils. Elle lui donna le nom de « Mosheh », car, dit-elle, « Je l’ai tirée des eaux ».
Dans la tradition antique, le fait de raconter la naissance ou l’enfance d’un personnage est très significatif. On ne raconte que la naissance des héros (par exemple Jacob dans l'Ancien Testament ; ou Jésus dans le Nouveau Testament).
Ainsi, dès les premiers versets du Livre de l'Exode, le lecteur avisé décèle dans la naissance et l'enfance de cet enfant la venue d’un personnage important.
Autrement dit : le seul fait de raconter cette naissance devrait éveiller notre attention : la vie de cet enfant sera décisive dans l’histoire d’Israël. Ok, on est prévenu.
La naissance de Moïse intervient dans une situation critique. Sur le plan politique, Pharaon est en train d’exécuter tous les nouveau-nés du peuple hébreu dont Moïse fait partie (Ex 2, 1-2).
Il faut donc tout le courage de sa mère pour le garder en vie, puis une espérance pour le laisser au bord du Nil, dans un geste un peu fou pour le sauver. De manière providentielle, Moïse est sauvé par la fille de Pharaon.
Au passage, notons que cela signifie que la fille de Pharaon désobéit à l’ordre de son père, puisqu’elle est parfaitement consciente que Moïse est hébreu, comme elle le dit elle-même (Ex 2, 6-7). Moïse est alors sauvé par celle-là même qui aurait pu le tuer.
Mais l’ironie va plus loin encore ! Recueilli par la fille de Pharaon (et donc adopté par une Égyptienne), Moïse est confié à une nourrice… qui se trouve être sa propre mère !
Avant même d’être sauvé, la mission de Moïse est déjà annoncée dans un détail donné au verset 3 :
« Comme elle ne pouvait plus le cacher, elle prit pour lui une caisse de jonc et l’enduisit de bitume et de poix, et elle y mit l’enfant. » (Ex 2,3)
Le mot ici traduit par "caisse" est le même que pour désigner l' "arche" dans l'histoire de Noé et aujourd'hui en Israël, en hébreu moderne, "tevah" veut dire "boîte". De plus, dans les deux cas on parle de bitume.
️Le lecteur pétri de culture biblique y décèle une habile référence à Noé, qui a construit son arche lui aussi avec… du bois et du bitume ! Allez vérifier, c’est en Gn 6, 14 ! Et dans le texte hébraïque de la Bible, ce sont les mêmes mots. Le rapprochement est donc suggéré à dessein.
En fait, cette discrète référence fait bien plus qu’un simple rapprochement entre deux personnages, elle donne une indication sur la mission future de Moïse :
Dans la Bible, donner un nom à un personnage est un acte symbolique fort. Le nom a une signification et préfigure une mission, ainsi Pierre qui sera la pierre sur laquelle Jésus bâtit son Église en Mt 16,18 ; ou encore Jacob renommé « Israël ».
Du coup, soyons attentifs au texte :
Lorsque l’enfant eut grandi, [sa mère] le ramena à la fille de Pharaon qui le traita comme son propre fils ; elle lui donna le nom de Moïse en disant : « Je l’ai tiré des eaux ». (Ex 2, 10)
️ Ici, Moïse est bien le nom que lui donne la fille de Pharaon. Et symboliquement, ce nom pourrait désigner une double réalité :
En lisant la Bible, Augustin d’Hippone fut déçu. Il trouvait que le texte était souvent naïf et que les Écritures n’étaient pas comparables aux plus grands chefs-d’œuvre de la littérature latine qu’il admirait. Le texte de l’Exode relatant la naissance et le sauvetage miraculeux pourraient apparaître en effet comme un conte pour enfant. Rétrospectivement, Augustin comprit que son orgueil l'empêchait de voir le sublime de ces récits :
« Cela me fit décider d'appliquer mon esprit aux saintes Écritures, et de voir ce qu'elles étaient. Et voici ce que je vois : une réalité qui ne se révèle pas aux superbes et ne se dévoile pas aux enfants, mais qui, humble à l'entrée, paraît, après l'entrée, sublime et enveloppée de mystères. Et moi je n'étais pas en état de pénétrer en elle, ou d'incliner la nuque pour progresser avec elle. »
Saint Augustin, Les Confessions, Bibliothèque Augustinienne 13 et 14, trad. Tréhorel E. et Boussiou, G., Paris, Études Augustiniennes, 1962. Lettre XII, 21
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