Jésus et sa mère invités à un mariage

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Que se passe-t-il lors des noces de Cana ? Pourquoi Jésus appelle-t-il sa mère « femme » ? Est-il en train de rejeter Marie sa mère ? Quelle est la symbolique du vin dans la Bible ?

4 minutes et 31 secondes avec Áine Cahill, Giorgio Vasari, James Tissot et une petite explication en famille
Dernière mise à jour -  
20/9/2023

Le changement de l’eau en vin dans la pop music

Le récit du premier du changement de l'eau en vin, repris et détourné pour nourrir la pop music contemporaine !

La jeune chanteuse pop irlandaise Áine Cahill s'inspire de cet épisode biblique pour composer son titre Water Into Wine ! Ici, il y a bien référence à l'épisode biblique que l'on analyse ensuite, mais en creux. L'artiste y clame la douloureuse expérience d'emprise qu'elle a subi ; et la libération qu'elle éprouve ensuite. S'il y a bien référence biblique assumée, elle est indirecte, opérant en négatif.

Le texte biblique qui raconte le miracle des noces de Cana

Lisons le texte sur les noces de Cana et la transformation de l'eau en vin, en prêtant cette fois une attention particulière au dialogue entre Jésus et Marie sa mère.


Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces avec ses disciples. Le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit :

— Ils n’ont pas de vin.

Jésus lui répondit :

— Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue.

Sa mère dit aux servants :

— Tout ce qu’il vous dira, faites-le.

Or, il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures.

Jésus leur dit :

— Remplissez d’eau ces jarres.

Ils les remplirent jusqu’au bord.

Il leur dit :

— Puisez maintenant et portez-en au maître du repas.

Ils lui en portèrent.

Lorsque le maître du repas eut goûté l’eau devenue vin – et il ne savait pas d’où il venait, tandis que les servants le savaient, eux qui avaient puisé l’eau – le maître du repas appelle le marié et lui dit :

— Tout homme sert d’abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent !

Tel fut le commencement des signes que fit Jésus à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.

Evangile selon saint Jean, chapitre 2, versets 1 à 11, Traduit du grec par les équipes de notre programme de recherches la Bible En Ses Traditions

Jésus face à sa mère lors du mariage à Cana

James Tissot (1836-1902), Les noces de Cana, (v. 890, aquarelle sur papier tissé)
Brooklyn Museum, New York. Domaine public.

Le rôle moteur de Marie lors du miracle de Cana

A l'origine du premier miracle de la vie publique du Christ, il y a Marie, sa mère.
Et même : la Vierge Marie tient un rôle d'intercesseur lors de ce mariage auquel elle est invitée avec Jésus et ses disciples.

Et ils n’avaient pas de vin, car le vin des noces était épuisé.
La mère de Jésus lui dit :
— Ils n’ont pas de vin.
Jésus lui répondit :
— Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore arrivée.
Sa mère dit aux servants :
— Tout ce qu’il vous dira, faites-le.

De manière étonnante, elle ne lui demande rien, elle se contente de pointer du doigt la difficulté des hommes. Et Jésus semble lui répondre autre chose...  Mais Marie comprend étrangement que Jésus lui dit oui et elle va donner des consignes aux serviteurs.

En fait, Marie et Jésus se comprennent très bien au-delà des apparences. Ils lisent tous deux entre les lignes.

Penchons-nous sur ce dialogue pour en déceler le sens et la surprenante complicité de la mère et du fils.

Détail du vitrail dit Notre-Dame de la Belle Verrière, (XIIIe siècle),
partie centrale d'une section relatant les Noces de Cana.
Cathédrale Notre-Dame de Chartres, France. Domaine public.

Pourquoi Jésus appelle-t-il sa mère « femme » ?

Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore arrivée.

A première vue, on ne comprend absolument pas cette interpellation énigmatique de Jésus. Mais en fait, loin d'être une marque d'irrespect voire de mépris, Jésus, en l'appelant "femme" [gunê en grec] établit une distance avec elle.

Comment comprendre cette apparente rudesse dans la prise de distance avec sa mère ?

En fait, le sens de cette prise de distance apparaît dès lors qu'on lie cette parole à la phrase qui suit aussitôt : "Mon heure n'est pas encore arrivée". C'est le contexte et l'évocation de « l'heure », ici mentionnée pour la première fois par Jésus, qui permet d'éclairer cette réponse adressée à sa mère.

En effet, dans l'Evangile de Jean, quand Jésus parle de l'heure ("mon heure n'est pas encore venue" en Jn 7,6 ou plus tard "mon heure est venue" en Jn 12,23), il parle de l'heure de sa Passion, de sa mort sur la croix, qui annonce la gloire de la résurrection.

C'est pour cela que Jésus met à distance sa mère : ce n'est pas à elle de lui indiquer le moment du début de sa Passion.

Est-ce que Jésus rudoie sa mère ?

« Que me veux-tu ? »

Littéralement, le texte grec dit : « Quoi à toi et à moi ? ». En fait, pour comprendre cette formule bizarre, il faut préciser qu’il s’agit d’un sémitisme, c'est-à-dire d'une expression typique de la langue sémite, probablement l'araméen, parlée par Jésus.

Cette formule est ambiguë. Mais pour en saisir le sens, il faut se rappeler que les paroles du Christ s'enracinent dans l'héritage juif qui est le sien et qu'il assume. Autrement dit et comme on aime à le répéter chez PRIXM : le sens du Nouveau Testament est déployé à partir de ce qui est dit dans l'Ancien.

Ainsi, on retrouve cette même formule dans un contexte semblable, dans le second Livre des Rois (livre racontant l'histoire des Rois d'Israël et des prophètes Elie et Elisée). Elisée s'adresse au roi d'Israël en ces termes : « Que me veux-tu ? Va trouver les prophètes de ton père et ceux de ta mère. » (2 R 3, 13)

Le prophète Elisée semble rejeter la demande et, pourtant, il cède avec réticence, tout comme Jésus. En effet, si Jésus semble rejeter la demande de sa mère, il réalise pourtant effectivement un miracle et transforme l'eau en vin.

Maerten de Vos (1532-1603), Mariage à Cana (1597, huile sur toile 268 x 235 cm)
Cathédrale Notre-Dame d'Anvers, Belgique, domaine public.

Plus que du vin

Jésus donne du vin aux convives et résout le problème matériel. Mais l'évangéliste suggère un autre mode de lecture, un sens symbolique.

Dans la Bible, le vin a une symbolique nuptiale : dans le Cantique des Cantiques, qui est par excellence un poème de fiançailles, cette boisson est toujours mentionnée comme symbole de l'amour.

La symbolique du vin se déploie graduellement. Pendant la dernière Cène, Jésus parlera de lui-même comme la vraie vigne (Jn 15,1-8). On comprend alors que dans cet épisode des noces de Cana, le vin préfigure le don parfait de soi-même.

C'est Jésus qui se donne et se fait nourriture pour les hommes. En changeant l’eau en vin, c’est comme son sang que le Christ donne à boire aux convives, comme une préfiguration de la Cène lors de son dernier repas.

Giorgio Vasari (1511-1574), Le mariage de Cana (1566, huile sur toile, 40 x 28 cm)
Musée des Beaux-Arts de Budapest, Hongrie. Domaine public.

Le mot de la fin

Pour finir en beauté et en poésie, voici la plume de Jean-Pierre Lemaire, qui met ces paroles dans la bouche de la Vierge Marie en adoptant son point de vue lors de ces noces auxquelles elle est invitée :

Ce mariage était un printemps sans oiseaux :

les gens ne chantaient plus, parlaient à mi-voix

tandis que le vin baissait dans les coupes.

Nous connaissions bien les mariés, nos voisins,

heureux, insouciants comme tous les mariés

qui promettent plus qu’ils ne peuvent tenir,

commencent bravement par le vin d’amour

et finissent par l’eau de l’indifférence.

Alors je me suis tournée vers la source

encore scellée. Plus tard j’ai compris

son premier refus et j’en ai pleuré :

c’était son sang déjà que je lui demandais

au nom de nos voisins, de nos frères tristes

et c’était, au-delà du pressoir de la croix,

pour le banquet futur, quand la joie coulerait

à pleins bords, ranimant les oiseaux dans les branches,

faisant refleurir le buisson où la rose

blanche de la mort aurait disparu.

Jean-Pierre Lemaire, « Cana », Le pays derrière les larmes, Paris, Gallimard Poésie, NRF, 2016 ; p. 369

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